Sciences et arts scéniques, un mariage prometteur
La Haute Ecole de théâtre de Suisse romande a inauguré, en collaboration avec L’EPFL, un laboratoire de recherches, SINLAB. Ce centre de compétences unique en Suisse met la science au service de la scène. Il réunit une équipe internationale de chercheurs.
Le 14 février, La Manufacture (Haute Ecole de théâtre de Suisse romande, HETSR), sise à Lausanne, a inauguré dans ses locaux un laboratoire de recherches et d’expérimentation, au croisement des arts de la scène et des sciences. Son nom? SINLAB.
Financé en partie (à hauteur de 1,4 million de francs) par le Fonds National suisse de la recherche scientifique (FNS), dans le cadre du programme Sinergia, SINLAB a été créé conjointement par la Manufacture et l’Ecole polytechnique de Lausanne (EPFL). Entre ces deux institutions, un pont est ainsi jeté, consolidé par la coopération de la Haute école des arts de Zurich (ZHdK) et du Département d’études théâtrales de l’Université de Munich (LMU), tous deux partenaires de SINLAB.
Unique en Suisse par sa formule qui allie arts scéniques et nouvelles technologies, SINLAB engage les compétences de chercheurs venus de différents pays (Allemagne, Etats-Unis, Serbie, Suisse). Sur une période de 3 ans, quatre doctorants mèneront leurs recherches au sein de ce laboratoire dirigé par Jeffrey Huang, chef du projet. Ce dernier est assisté de deux coordinateurs, dont l’Autrichien Jens Badura.
Robot volant
Enthousiaste, Jens Badura avertit néanmoins: «SINLAB vient à peine de démarrer. Nous avons beaucoup d’idées, mais bon nombre d’entre elles sont en cours d’étude. Je serai donc prudent. Ce que je peux affirmer en revanche, c’est que les efforts réunis des institutions impliquées conduiront dans un premier temps à la conception d’un prototype. Sa fonction? Capter les mouvements d’un danseur ou d’un performer, c’est-à-dire les numériser puis les transformer en musique. La musique ainsi produite rythmera en retour les pas du danseur. On appelle cela choréophonie».
Pour un profane, le processus est complexe. En résumé, il s’agit de mettre sur pied un système interactif entre geste et musique. L’interactivité, qui intéresse les chercheurs de SINLAB, s’étendra par ailleurs au théâtre.
«Dans ce domaine, nous développons également un projet qui consiste à dynamiser la relation entre la scène et le public, confie Jens Badura. Je m’explique. Avec l’aide de l’EPFL, nous prévoyons la conception d’un robot volant qui transmettra aux comédiens les réactions de la salle et leur permettra d’intégrer ces réactions à leur jeu, par exemple.»
Dynamique d’échanges
Mais là encore, c’est une idée à l’état d’ébauche, «ce qui n’empêche pas nos chercheurs de rester très stimulés», lâche Jens Badura. «Vous savez, il y a une dynamique d’échanges et d’inspirations mutuelles très réjouissante entre les quatre institutions impliquées», ajoute-t-il. Dynamique encouragée également par les workshops (ateliers) que SINLAB organisera à Lausanne, Zurich ou Munich.
A ces workshops pourront participer les étudiants de La Manufacture, notamment ceux qui préparent un Master. «Nous réfléchissons encore à la forme que prendra leur participation, avoue Jens Badura. L’important, c’est de les intégrer aux différents programmes que nous lançons.»
Pékin
Dans un proche avenir, il est même question d’une collaboration avec l’Université Tsinghua de Pékin. Des workshops pourraient-ils y être organisés? «Je ne sais pas encore, répond notre interlocuteur. Tout ce que je peux vous dire, c’est que cette université est à l’intersection des arts, de la technologie et des sciences. L’échange de doctorants avec elle nous intéresse donc.»
On l’a dit, SINLAB est un centre de compétences unique en Suisse. «Si je ne m’abuse, il est le seul en Europe à marier arts scéniques et recherches scientifiques», ajoute Jens Badura. Avant de préciser: «Vous avez des Institutions qui croisent arts médiatiques et nouvelles technologies, comme le Centre ZKM de Karlsruhe (Allemagne) ou le Ars Electronica Center de Linz (Autriche). Mais leurs programmes n’incluent pas le spectacle vivant.»
En décembre 2014 s’achèvera la première phase de SINLAB. D’autres suivront. C’est du moins ce qu’espère l’équipe de SINLAB qui souhaite que ce laboratoire trouve au bout de ses trois ans d’existence la forme d’une structure fixe. Pour ce faire, il lui faudra s’assurer un financement approprié, en adéquation avec ses ambitions. Et ses ambitions sont grandes.
«Nous voulons diffuser notre savoir, c’est-à-dire tout ce que nous aurons découvert en trois ans, indique Jens Badura. Cela peut se faire sous la forme de publications ou de transmission de technologies à des théâtres, par exemple. Il ne s’agira en aucun cas de commercialiser notre expérience. Mais juste d’en faire profiter les acteurs de la vie.»
Espace de recherche et d’expérimentation à la jonction de la création artistique, de l’investigation scientifique et du développement technologique.
Son objectif est d’explorer un monde médiatisé et numérisé sur une scène laboratoire.
Trois Ecoles suisses et une Université allemande sont partenaires de ce centre de compétences. Dans un proche avenir, des échanges pourraient être établis avec l’Université Tsinghua de Pékin.
L’équipe de recherche du laboratoire principal situé à La Manufacture (Haute Ecole de théâtre de Suisse romande, Lausanne) réunit des doctorants, des chercheurs confirmés et des artistes in Lab.
Ces artistes (performers, chorégraphes, metteurs en scène) sont invités à collaborer aux projets de recherches sur le spectacle vivant.
Workshops, conférences et débats alimenteront la réflexion.
En décembre 2014 s’achèvera la première phase de SINLAB.
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