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Un cinéma doté d’une véritable identité

Pendant une semaine, le cinéma suisse s'est affiché à Soleure. Keystone

Fin des 42es Journées de Soleure, qui représentent chaque année une sorte de bilan du cinéma helvétique. Un cinéma qui a dévoilé sa bonne forme en 2006.

Pour évoquer cette nouvelle émergence du cinéma suisse, swissinfo a fait appel au Français Serge Sobczynski, l’un des organisateurs du Festival de Cannes.

En 2006, Serge Sobczynski consacrait une journée au cinéma suisse dans le cadre du programme qu’il a mis sur pied au Festival de Cannes, «Tous les cinémas du monde». Et ce mois de janvier 2007, il était membre du jury des Prix du cinéma suisse, remis mercredi soir à Soleure.

swissinfo: En 2006, vous avez invité la Suisse à participer à «Tous les cinémas du monde » à Cannes. Pourquoi ce choix, alors que le cinéma suisse est plutôt ignoré depuis de nombreuses années?

S.S.: Précisément. Le programme dont je m’occupe balaie toutes sortes de cinémas, les grandes cinématographies évidentes et les petites moins connues. Je suis intéressé aux cinémas qui ont eu des heures de gloire et dont on parle moins.

Je me suis dit qu’il devait se passer quelque chose en Suisse. Il me venait tout de même quelques informations. Je savais qu’il y avait un certain dynamisme du côté du cinéma alémanique en particulier, mais je n’avais pas l’opportunité de voir les films.

Il y a aussi eu des raisons de circonstance: une nouvelle direction au festival de Locarno, une nouvelle direction à la Section cinéma à Berne… Des bouleversements à l’intérieur du cinéma suisse, avec des personnalités qui ont exprimé des points de vue, cela a attiré mon attention et m’a donné envie d’aller voir ce qui s’y passait.

swissinfo: Comment le cinéma suisse a-t-il été perçu à Cannes par le public présent à cette journée?

S.S.: C’était plein, on a refusé du monde. C’était une énorme surprise, une vraie découverte. Comme on avait aussi invité l’Autriche, les gens pensaient trouver quelque chose de semblable. Or si le cinéma autrichien est empreint d’une vraie dépression nationale, le public a constaté que ce n’est pas le cas du cinéma suisse, qui sait traiter les drames sans être dans la tragédie permanente.

swissinfo: Nicolas Bideau, le nouveau patron de la Section cinéma de l’Office fédéral de la culture, a pour leitmotiv le binôme «qualité et popularité». Reste-t-on à la surface des choses ou est-on dans quelque chose de plus profond?

S.S.: Je perçois quelque chose de plus profond: la confirmation et l’affermissement d’un véritable esprit national, une écriture particulière. C’est un cinéma qui ne ressemble à aucun autre. Rien à voir avec le cinéma autrichien, rien à voir avec le cinéma allemand, rien à voir avec le cinéma français.

C’est un cinéma spécifique, qui a sa dose d’autodérision, d’ironie, et une qualité d’écriture. J’ai l’impression aujourd’hui que je serais capable de reconnaître très facilement dans un film, sans en connaître son origine, le ‘style suisse’.

swissinfo: Dans les années 60 et 70, le cinéma suisse a rayonné avec Godard, mais aussi Tanner, Soutter, Goretta. Puis… plus grand chose, même si les cinéastes continuaient à travailler. Votre explication?

S.S.: On sait que quand il y a des grands maîtres, on a du mal à trouver immédiatement une relève. Il faut du temps, il faut que les générations digèrent, c’est classique. J’ai l’impression qu’il y a eu alors beaucoup d’indifférence à l’égard du cinéma suisse. Mais que cette indifférence, aujourd’hui, est un stimulant pour le cinéma suisse.

Cette indifférence est peut-être positive, parce que les grands cinéastes que vous avez cités étaient des cinéastes que je qualifierais de transfrontaliers. J’ai l’impression que les cinéastes qui émergent maintenant sont beaucoup plus ancrés dans le pays.

Les émergences artistiques sont toujours le fruit de situations dialectiques, de tensions, et c’est ce qui se passe aujourd’hui.

swissinfo: Pour conclure, Serge Sobczynski, un film suisse qui vous a marqué?

S.S.: Parmi les films de la sélection 2007 du Prix du cinéma suisse, j’ai trouvé que «Vitus» de Fredi Murer est un film particulièrement beau. Et je garde toujours en mémoire – parce que c’est ma vraie découverte du cinéma alémanique – «Verflixt verliebt» de Peter Luisi, que j’ai trouvé d’une truculence formidable, avec une vraie qualité d’acteurs. C’est ça le cinéma que j’aime.

Interview swissinfo, Bernard Léchot à Soleure

Du 22 au 28 janvier, les 42es Journées cinématographiques de Soleure ont enregistré 45’000 entrées pour 256 projections et séances de discussion.

Après le Prix du cinéma suisse 2007 mercredi dernier, le film «Vitus» de Fredi Murer s’est vu décerner samedi le Prix du public.

Le Français Serge Sobczynski a longtemps travaillé dans le spectacle vivant, théâtre et musique. Il a dirigé des théâtres nationaux et des orchestres nationaux.

Il y a une quinzaine d’années, il s’est orienté vers la politique culturelle. Il a notamment été conseiller culturel à l’ambassade de France en Israël et directeur de la culture du Conseil régional de la Région Provence-Côte d’Azur.

C’est dans ce contexte qu’il a rencontré les organisateurs du Festival de Cannes et qu’à leur demande il a monté le programme «Tous les cinémas du monde» en 2005, qui a pour ambition d’illustrer la vitalité et la diversité du cinéma mondial.

La Suisse a été l’invitée de «Tous les cinémas du monde» le 23 mai 2006.

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