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« Décennies » et « centaines de millions » pour nettoyer la Syrie

Des millions d'engins explosifs improvisés (IED) se trouvent en Syrie (archives). KEYSTONE/AP Ghouta Media Center/UNCREDITED sda-ats

(Keystone-ATS) Le nombre de victimes de mines et d’engins explosifs est désormais aussi important en Syrie que le chiffre total dans le monde entier avant ce conflit. Il faudra des « décennies » et des « centaines de millions de dollars » pour nettoyer le pays, selon un expert à Genève.

« Il faut être réaliste. Des engins de la Première Guerre mondiale sont encore retrouvés aujourd’hui » dans des pays européens, dit dans un entretien à l’ats le directeur des opérations du Centre international de déminage humanitaire de Genève (GICHD). La priorité du déminage en Syrie doit porter sur les habitations et les infrastructures, ajoute Guy Rhodes, avant la Journée internationale contre les mines mercredi.

Plus de 90% des engins observés actuellement sont improvisés (IED) et certains sont même activés dans des réfrigérateurs. Autre indicateur, la difficulté du contexte syrien est encore renforcée par le mouvement des populations qui rentrent chez elles après sept ans de conflit.

En particulier dans les zones urbaines où l’action contre les mines est souvent « à la traîne » en raison d’un manque d’accès, des conditions de sécurité ou d’un manque de ressources face aux besoins. La plupart des habitants « comprennent le danger » mais n’attendent pas. Des pillages ou parfois des nettoyages improvisés par les citoyens ont lieu.

« Millions » d’engins

Constitués souvent de plusieurs composantes, les IED provoquent des blessures plus importantes que les engins traditionnels. Comme en Irak et dans d’autres conflits encore, la diversité des types d’explosifs est devenue considérable en Syrie. Ceux-ci sont probablement des « millions » à contaminer les sols ou les maisons syriennes, dit M. Rhodes.

Notamment dans les régions, comme Raqa, que contrôlaient les djihadistes de l’Etat islamique (EI), où des zones entières sont affectées. Pour autant, le manque d’accès empêche toute évaluation précise pour le moment.

Seul motif de satisfaction, ces engins artisanaux « vieillissent plus rapidement ». Là où les mines industrielles durent pendant des décennies, ils deviennent périssables au bout de quelques années.

Dans son action, le GICHD collabore avec l’ONU et oeuvre surtout auprès des autorités nationales et d’ONG. Il organise des ateliers dans la région pour permettre aux acteurs locaux de recourir aux meilleurs outils, notamment pour rassembler les données pour établir des priorités sur le déminage. Il est utilisé par l’Appel de Genève qui dialogue de son côté avec les acteurs non-étatiques.

Le directeur des opérations alerte aussi sur les nombreuses crises « oubliées » en raison notamment de l’attention portée au Moyen-Orient. Le problème est « mondial » et affecte encore 60 pays.

Vote prévu

Et les conditions varient en fonction des contextes. De même que les coûts qui peuvent atteindre jusqu’à 30 dollars par m2. Tout dépend du type de contamination et du pays. En Colombie, où le centre de déminage humanitaire est actif auprès des autorités, « certains donateurs internationaux sont frustrés », admet le directeur des opérations. Le prix « devrait être bien inférieur » pour oeuvrer sur des « besoins énormes », selon lui.

Si les nouvelles technologies, comme les drones, accélèrent le travail d’identification et de préparation, le nettoyage demandera toujours un être humain, dit M. Rhodes. Les populations sont de leur côté « plus à l’aise » qu’avec une machine. Les outils existants doivent en revanche être « mieux » utilisés.

La Convention d’interdiction des mines antipersonnel a déjà permis d’empêcher le déploiement de plus de 51 millions d’engins, détruits dans les stocks. Pour autant, des explosifs continueront d’être utilisés et les zones touchées ne seront jamais entièrement décontaminées. Mais même si le déminage « est un travail très lent, il est absolument indispensable » pour revenir à une situation suffisamment sûre pour les populations, dit le directeur des opérations.

Le GICHD, qui fête ses 20 ans cette année, est l’un des trois centres financés par la Suisse à Genève. Le conseiller fédéral Ignazio Cassis doit visiter ceux-ci pour la première fois le 12 avril prochain. Avant la discussion sur le renouvellement de l’enveloppe pour la période 2020-2023.

Avec le doublement des victimes, le GICHD, qui reçoit une quinzaine de millions de francs par an, a identifié des besoins à la hausse. Une décision au Parlement fédéral est prévue début 2019.

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