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Lidl ouvre ses premiers magasins en Suisse

A vos caddies! Keystone

La chaîne allemande Lidl a ouvert ses premiers magasins en Suisse. Le temps où Migros ou Coop régnaient en maîtres sur le commerce de détail est révolu, même si les «discounters» étrangers n'occupent qu'une modeste part du marché. Interview de l'expert David Bosshart.

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«Tu es plutôt Migros ou Coop?» La question, que l’on se posait couramment il y a quelques années encore, fait bientôt partie du passé. Doit-on dire aujourd’hui «Tu es plutôt M-Budget ou Prix Garantie?», du nom des deux lignes à bas prix des distributeurs suisses?

Aldi et Lidl, qui cassent les prix grâce à des présentations sobres (voire pas de présentation autre que celle de la palette d’entreposage), un choix minimal de produits et des grandes quantités, changent de toute façon les étiquettes. Même au pays des marques et de la cherté, on parle d’«aldisation» de la société.

Les chercheurs en tendances veulent même croire qu’Aldi, M-Budget et compagnie sont à la mode même chez les décideurs et les grosses fortunes. Les économistes de Credit Suisse avancent que près de 50% des Suisses sont déjà allés dans une filiale Aldi depuis 2005. On pourrait rétorquer qu’une seule visite, ce n’est pas encore un succès.

Même s’ils sont loin de mettre en danger les deux géants, Aldi (2,5% de parts de marché) et Lidl ont en tout cas modifié le paysage du commerce de détail, de toute façon en profonde mutation avec la mort des petits magasins indépendants. Les Romands devront encore attendre pour découvrir le petit dernier.

Selon David Bosshart, directeur général de l’Institut Gottlieb Duttweiler (GDI), c’est bien l’une contre l’autre que les deux chaînes cherchent à gagner du terrain. Mais l’étude «Discount forever» publiée par l’institut, ne prévoit aucun «boom» des magasins à bas prix comme en Allemagne, les consommateurs suisses étant aussi très friands de qualité et de services.

swissinfo: Les chaînes étrangères ont jusqu’ici été confrontées à une grande résistance en Suisse. On le voit encore avec les producteurs qui ne veulent pas signer avec Lidl. Ces résistances vont-elles peu à peu disparaître?

David Bosshart: Il faut beaucoup de temps pour que quelque chose change dans le domaine de l’alimentation, qui est quelque chose de très émotionnel. Les implications ne sont pas les mêmes pour un St-Gallois, un Neuchâtelois ou un Zurichois.

Aldi a agi de façon très intelligente, en affichant la croix suisse sur de nombreux produits, en plaçant des agriculteurs sur sa publicité, bref en prenant le temps de convaincre les clients. Dans le domaine de l’habillement, ce n’est pas du tout pareil et les magasins peuvent présenter le même assortiment dans tous les pays.

swissinfo: Est-ce la raison pour laquelle il a fallu six ans à Lidl pour ouvrir ses premiers magasins?

D.B.: C’est une question de réputation. Celle de Lidl est très mauvaise. Il y a eu beaucoup de scandales en Allemagne, notamment avec les syndicats. Le dernier en date a révélé la surveillance du personnel.

Les consommateurs comprennent que les bas prix se font sur le dos des employés. Ni Aldi, ni Lidl, n’ont beaucoup d’employés dans leurs magasins… Mais à long terme, il est clair que Lidl a la capacité financière et le capital nécessaire pour s’implanter en Suisse. La chaîne sait que le consommateur suisse a une importante force d’achat.

swissinfo: L’arrivée de Lidl va-t-elle modifier le commerce de détail en Suisse?

D.B.: Il y aura une évolution, mais pas de révolution. Les grands distributeurs vont, à moyen terme, perdre quelques plumes, mais ils ont beaucoup appris avec l’arrivée d’Aldi il y a trois ans, et savent notamment sur les prix de quels produits il faut faire pression face à la concurrence.

Lidl se définit principalement contre Aldi, même si Denner est aussi dans la ligne de mire. En Autriche, Aldi a exploité pendant des décennies, sous le nom de Hofer, environ 100 magasins. Depuis 1994 et l’arrivée de Lidl, la chaîne en a ouvert 300 autres. Les deux marques jouent au chat et à la souris.

swissinfo: Le prix est-elle la seule composante faisant évoluer la branche?

D.B.: Non, évidemment. Un ensemble de critères guident les choix des consommateurs, comme les services – importants pour la population âgée qui a un fort pouvoir d’achat et dont l’importance sociale grandit étant donné l’évolution démographique – ou le commerce équitable et les produits «bio».
Les grands distributeurs jouent sur ces atouts, tout en disposant d’une plus grande diversité de produits et, surtout, d’une confiance toujours très grande de la part des clients. La concurrence entre les deux grands va se poursuivre.

swissinfo: Des quatre scénarios que vous aviez envisagés en 2005 pour l’horizon 2015, libéralisation complète, pause, repli sur soi et canevas régionaux, lequel vous paraît aujourd’hui le plus probable?

D.B.: Je pense que les scénarios «extrêmes» vont se réaliser: nous verrons soit une plus grande libéralisation, avec davantage d’acteurs étrangers, soit, si la crise arrive effectivement, une tendance à la fermeture.

Interview swissinfo, Ariane Gigon

Les parts de marché de Coop et Migros font l’objet d’analyses divergentes. Selon des chiffres souvent cités, la part de Migros serait passée en dessous de 24% en 2007 (sans Denner) et celle de Coop serait de près de 22%.

Selon l’étude du professeur Thomas von Ungern-Sternberg de l’Université de Lausanne, publiée en 2007, qui cite des chiffres de ACNielsen, Migros aurait occupé 37% du marché en 2004 et Coop 35%. Denner-Pickpay en détenait 10%. Migros et Coop disaient quant à eux détenir

Aldi et ses 1000 produits «maison» comptent actuellement plus de 95 filiales en Suisse, où il s’est implanté en 2005. Sa part de marché est de 2,5%.

Lidl (1800 produits de marque) a un concept semblable de surface unique de plain-pied avec un parking.

Lidl a ouvert 13 enseignes dans sept cantons alémaniques le 19 mars. Leur nombre devrait être de 26 d’ici la fin de l’année.

Selon l’étude «Discount forever» de l’Institut Gottlieb Duttweiler (GDI), Aldi réalisera un chiffre d’affaires de 845 millions de francs à fin 2010, avec 105 filiales, et Lidl 665 millions, avec 85 filiales mais davantage de mètres carrés.

Selon l’enquête réalisée chaque trimestre par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) auprès d’environ 1100 ménages, en janvier 2009, le climat de consommation ne s’est pas dégradé davantage.

Au contraire, c’est même une très légère amélioration, la première depuis quatre trimestres, qui a été enregistrée. Après une valeur atteinte de -27 points pour l’indice en octobre 2008, une valeur de -23 points a été calculée en janvier 2009.

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