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Accord agricole avec l’UE: la pomme de discorde

Abricots sur le marché suisse: valaisans ou importés? Keystone

A l'exact opposé des socialistes, l'Union démocratique du Centre exige l'arrêt des négociations exploratoires sur un accord de libre-échange agricole avec l'UE.

Pour la gauche, la libéralisation agricole et économique favorise le processus d’adhésion à l’Union européenne (UE). La droite considère, elle, que c’est un «développement néfaste».

Lundi en conférence de presse, l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure) est repartie en guerre contre la réforme de la politique agricole pour 2011 lancée par le Conseil fédéral (gouvernement).

Alors qu’elle se veut le chantre du libéralisme pour tous les secteurs de l’économie suisse, en matière agricole, elle opte soudain pour le protectionnisme.

«Nous sommes favorables à une libéralisation pour l’agriculture aussi, mais le marché est bloqué par nombre de réglementations qui augmentent les coûts de production», a dénoncé Ueli Maurer, le président de l’UDC.

De son côté, le député fribourgeois Jean-François Rime a cité l’obligation de doter les tracteurs de filtres à particules. Et de s’en prendre aux discussions exploratoires concernant l’accord de libre-échange agricole, que l’UDC souhaite voir échouer.

Forcer une adhésion à l’UE

La pression due aux importations bon marché augmentera sans que l’industrie alimentaire suisse ait des chances équivalentes d’exporter ses produits d’une qualité supérieure, a estimé Jean-François Rime.

Pour lui, «cet accord sert à casser l’opposition des paysans à l’adhésion de la Suisse à l’UE».

L’UDC exige enfin que la souveraineté alimentaire soit garantie. «La Suisse est championne du monde en matière d’importations de denrées alimentaires», selon le député saint-gallois Toni Brunner.

«Cette forte dépendance de l’étranger est politiquement inquiétante et ne doit pas être aggravée par une ouverture incontrôlée et incontrôlable des frontières», a-t-il lancé.

La démonstration contraire

Au lendemain de cette diabolisation de toute tentative de négocier un accord de libre-échange agricole avec l’UE, le Parti socialiste suisse (PS) a tenu, mardi, à faire la démonstration contraire.

Même s’il soutient un accord de libre-échange agricole, le PS ne pense pas que le bilatéralisme soit la voie royale pour la Suisse en matière européenne.

Cet accord est un moyen de lever un obstacle de taille à une adhésion à l’UE, a déclaré la présidente sortante du groupe parlementaire Hildegard Fässler devant la presse.

Les paysans du Vorarlberg n’étaient pas convaincus par l’entrée de l’Autriche dans l’UE. Aujourd’hui, aucun d’entre eux ne voudrait échanger sa place avec un collègue st-gallois, d’après la conseillère nationale.

Depuis 1995, le nombre d’exploitations a reculé dans des proportions similaires de part et d’autre de la frontière. Mais, alors que la moyenne du revenu n’a augmenté que de 16% en Suisse, elle a progressé de 30% en Autriche.

La Suisse «membre à 80% de l’UE»

De manière générale, les socialistes demeurent persuadés que la Suisse doit entrer dans l’Union.

Le groupe parlementaire veut poursuivre la levée des obstacles vers l’adhésion au moyen de sept interventions parlementaire, a ajouté le député vaudois Roger Nordmann.

Ces textes demandent notamment que le secteur des services financiers et du conseil d’entreprises s’ouvrent et s’adaptent aux standards européens.

Ces propositions, combinés avec l’accord de libre-échange, consolideraient la situation de la Suisse en tant que «membre à 80% de l’UE», a estimé M. Normann.

Et de rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, la libre circulation des personnes, Schengen et l’agriculture étaient encore présentés comme des obstacles insurmontables à l’adhésion.

Les paysans sont mitigés

Il y a deux semaines, l’Union suisse des paysans (USP) a demandé au gouvernement de ne pas entamer pour le moment de discussions avec l’UE.

La centrale paysanne estime qu’il faut d’abord attendre le résultat de négociations menées au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Il ne s’agit pas d’une manoeuvre pour enterrer cet accord bilatéral, a assuré l’USP. Au contraire, un accord de libre-échange avec l’Europe pourrait aider à compenser une partie des pertes générées par le Cycle de Doha de l’OMC, a affirmé le directeur de l’USP Jacques Bourgeois.

swissinfo et les agences

– L’Organisation mondiale du commerce (OMC) souhaite que la Suisse réduise ses droits de douane sur les produits agricoles importés et diminue ses subventions à l’agriculture.

– A cause de ces subventions, le projet de libre-échange agricole avec les Etats-Unis a capoté au début de l’année.

– Depuis, la Suisse étudie la possibilité d’un nouvel accord avec l’UE, même si près de 60% des exportations de produits agricoles vers l’Europe des 25 sont déjà libéralisés

– Après avoir consulté les milieux intéressés en Suisse et sondé la Commission européenne, Berne a décidé d’engager des entretiens exploratoires avec l’UE.

En 2004, 69% des exportations agricoles suisses (2,8 milliards de francs) ont été vers l’UE et 77% des importations (6,9 milliards) en provenaient.
Les échanges sont régis par l’Accord de libre-échange de 1972, revu en 2004 lors des Bilatérales 2, et par l’Accord agricole de 1999 (Bilatérales 1) sur la libéralisation partielle du commerce des produits agricoles.
D’autres étapes sont prévues.

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