Axpo relance la bataille du nucléaire
Le groupe Axpo, qui approvisionne près de 3 millions de personnes de Suisse centrale et orientale, veut construire à terme une nouvelle centrale nucléaire.
La proposition relance la discussion sur l’avenir énergétique du pays et se heurte à la ferme opposition des écologistes.
Dans 10 à 15 ans, il sera l’heure de relancer la discussion politique sur la construction d’une nouvelle centrale nucléaire, a expliqué mardi le directeur d’Axpo, Heinz Karrer. Selon lui, l’opinion publique sera alors davantage prête à accepter un tel projet, car sa réalisation deviendra urgente.
Axpo veut construire une nouvelle centrale avec l’aide de partenaires si possible suisses. Mais le groupe n’a pas donné plus de détails sur ses plans.
Il relève qu’une nouvelle centrale atomique a l’avantage de ne pas entraîner de nouvelles émissions de CO2, contrairement aux usines à gaz par exemple. En ce qui concerne l’élimination des déchets nucléaires, Axpo estime qu’il est techniquement possible de les entreposer en Suisse. Le groupe reconnaît toutefois qu’il faut encore persuader la population.
Mais comme 20 années au moins sont nécessaires pour planifier et réaliser une nouvelle centrale, Axpo ne compte pas dans un premier temps sur ce projet pour faire face au manque d’électricité qui menace la Suisse. Selon une étude d’Axpo présentée mardi, si rien n’est entrepris, la pénurie commencera à se faire sentir entre 2012 et 2019.
Hausse de la consommation
L’étude montre en effet que la consommation électrique continuera à augmenter dans les prochaines années. Les Suisses utiliseront chaque année entre 1% et 2% de courant en plus, jusqu’en 2010. Et jusqu’en 2030, la croissance annuelle de la demande devrait être comprise entre 0,5% et 1,5%.
Or, les contrats d’importation avec Electricité de France, qui correspondent au volume de production de deux centrales nucléaires, viendront progressivement à échéance à partir de 2020, et les plus anciennes centrales atomiques suisses commenceront à fermer dès 2020.
«En 2030, l’insuffisance énergétique représentera entre 15% et 33% des besoins», indique Niklaus Zepf, responsable du développement chez Axpo. Pour y faire face, Axpo va d’abord diversifier ses sources d’énergie. Il investira à ce titre plus de 5 milliards de francs jusqu’en 2030.
5 milliards pour se diversifier
Le groupe débloquera deux milliards pour construire de nouvelles usines à gaz combinées d’ici à 2020. Deux milliards seront investis dans l’amélioration des performances des centrales hydrauliques, qui atteindront ici leurs limites de capacité.
Un milliard ira dans le développement et l’amélioration des réseaux de transport d’électricité. Jusqu’en 2010, Axpo accordera encore 100 millions au développement des énergies renouvelables, telles que les petites usines hydrauliques, la géothermie, le biogaz, la biomasse et les éoliennes.
«Les énergies renouvelables joueront un rôle toujours plus important à l’avenir, mais elles ne suffiront de loin pas à couvrir l’insuffisance prévue», estime Niklaus Zepf. De plus, leurs coûts sont très élevés, et elles ne peuvent assurer un approvisionnement régulier 24 heures sur 24 durant toute l’année.
Enfin, le groupe cherchera à conclure de nouveaux contrats d’importation d’électricité produite à partir de gaz, de charbon ou d’atome. Et Axpo s’engagera pour améliorer l’efficacité énergétique des réseaux de transport d’électricité et des bâtiments.
Axpo estime ainsi que, à l’horizon 2030, 49% de son énergie proviendra des centrales nucléaires et 25% des centrales hydrauliques. Quelque 10% seront issus du gaz, 10% de l’importation et 6% des énergies renouvelables autres que l’eau.
Opposants scandalisés
Première à réagir, Greenpeace affirme dans un communiqué qu’elle s’opposera de toutes ses forces aux plans de construction d’une nouvelle centrale atomique en Suisse. L’organisation écologiste se dit convaincue qu’une majorité de la population attend un approvisionnement en électricité d’origine renouvelable.
«L’énergie atomique est dépassée et polluante. Elle n’a pas sa place dans un scénario énergétique renouvelable», a écrit notamment Greenpeace
La Fondation suisse de l’énergie (SES) fait part de critiques semblables. Selon elle, Axpo cherche à empêcher le développement des énergies renouvelables jusqu’à ce que la seule solution pour assurer l’approvisionnement électrique de la Suisse passe par la construction d’usines à gaz et de centrales nucléaires.
De son côté, le ministre en charge de l’Energie, Moritz Leuenberger, a rappelé mardi sur la télévision alémanique qu’il est sceptique à propos de l’énergie nucléaire. Il veut encourager les énergies renouvelables. Si cela ne suffit pas, il faudra se demander si la construction d’une centrale nucléaire ou d’une usine à gaz est nécessaire, a-t-il dit.
swissinfo et les agences
La Suisse dispose actuellement de cinq centrales nucléaires: Beznau I (mise en service en 1969), Beznau II (1971), Mühleberg (1971), Gösgen (1978) et Leibstadt (1984).
Le nucléaire produit un peu moins de 40% de l’électricité consommée au niveau national.
Le 60% restant provient presque entièrement des installations hydrauliques, soit des barrages.
La consommation d’électricité en Suisse augmente de 1 à 2% par année en moyenne.
– Construites entre 1969 et 1984, les centrales nucléaires helvétiques devraient avoir atteint leur limite d’âge d’ici 10 à 20 ans.
– A l’horizon 2020, la Suisse devra donc avoir trouvé de nouvelles solutions pour couvrir ses besoins en énergie.
– Alors que la gauche et les verts entendent miser sur les énergies alternatives, la droite et les entreprises électriques sont favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires.
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