La Cinquième Suisse s’affiche à Brunnen
Vingt panneaux ornent désormais la Place des Suisses de l'étranger à Brunnen. Histoire d'informer les indigènes sur leurs compatriotes du monde entier.
Au jour de l’inauguration, le président de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) a regretté la vision trop étroite que le pays a de ses expatriés.
«Savez-vous où se trouve la cinquième partie de la Suisse?», interroge le premier panneau, avant de donner lui-même la réponse: «Dans le monde entier, puisque plus de 600’000 confédérées et confédérés vivent à l’étranger».
Au moyen de ces vingt panneaux construits pour résister aux outrages du temps, les Suisses de l’étranger entendent se rapprocher de ceux qui restent au pays. Expliquer quels motifs ont poussé et poussent encore des gens loin de la terre qui les a vu naître, comment ils vivent dans d’autres cultures et comment ils restent attachés à la patrie, jouant le rôle d’ambassadeurs inofficiels de la Suisse.
Le 13 août, cette nouvelle exposition permanente a connu sa journée d’inauguration. Et au milieu des échos de la fête, la place a retenti de quelques piques.
La SSR montre le mauvais exemple
Tant la Fondation Place des Suisses de l’étranger que l’OSE – toutes deux à l’origine de cet aménagement -, insistent sur l’importance de l’information.
«Les Suisses ne sont pas conscients de disposer d’un réseau pareil dans le monde. Ils voient leur présence à l’étranger un peu comme on regarde dans le périscope d’un sous-marin. Le regard vers l’extérieur reste très étroit», a regretté dans son discours le président de l’OSE Georg Stucky.
Ainsi, les médias ne s’intéressent presque jamais aux Suisses de l’étranger, sauf lorsqu’il y a une affaire de sexe à la clé (on pense ici bien sûr aux frasques de l’ancien ambassadeur Thomas Borer).
Georg Stucky voit une marque évidente de cette attitude dans le plan de SRG-SSR idée suisse, qui «après avoir supprimé le service des ondes courtes, veut maintenant réduire les pages Internet d’actualité sur la Suisse à leur seule version anglaise».
Amour, travail ou intolérance
Sur les panneaux, les textes sont courts et toujours en quatre langues. Ils énumèrent par exemple les raisons qui peuvent pousser à émigrer. Raisons presque toujours liées à l’amour ou au travail.
«Fort heureusement, un vulcanologue suisse ne trouvera pas de travail dans son pays», note Rudolf Wyder, directeur de l’OSE, pour illustrer la nécessité qu’ont certains spécialistes de s’expatrier.
Il n’est même pas besoin de chercher des exemples aussi pointus. Ainsi, les cuisiniers et les hôteliers suisses sont très appréciés dans le monde entier. Et il y a aussi les employés que leur compagnie envoie pour quelques mois ou quelques années dans une succursale à l’étranger.
Sans oublier toutes celles et tous ceux qui quittent le pays pour suivre un beau brun ou une belle blonde – à moins que ce ne soit le contraire.
Mais l’émigration peut aussi avoir des côtés nettement moins idylliques, sur lesquels l’exposition ne fait pas l’impasse. «Jusqu’au 20e siècle, la Confédération et les cantons encourageaient massivement l’émigration. Pas seulement pour conquérir de nouveaux territoires, mais aussi parfois pour se débarrasser des pauvres et des indésirables», peut-on ainsi lire sur un panneau.
L’occasion pour Rudolf Wyder de rappeler tous ceux qui ont dû quitter la Suisse à cause de leurs croyances.
Réveiller les émotions
«J’ai essayé de coller le plus possible aux thèmes et de leur donner un impact émotionnel», explique à swissinfo le graphiste Urs Kohli, qui a mis en images les textes de Myriam Mauerhofer.
Ainsi, les panneaux montrent la fameuse Vallée de la Mort californienne ou une baie paradisiaque des Caraïbes. Ailleurs, des enfants s’amusent dans le préau d’une école suisse, un vigneron helvétique récolte ses raisins en Australie ou un panneau rappelle que l’«On vote ce week.-end» devant le Château Saint Ange de Rome.
Cette exposition a coûté près de 70’000 francs, entièrement payés par des sponsors, dont la Confédération. Les panneaux sont prévus pour rester cinq ans en place.
«Je suis très satisfait d’être enfin au bout des longues et parfois difficiles tractations qui ont finalement abouti au réaménagement de ce lieu», a dit Toni Dettling, président de la fondation Place des Suisses de l’étranger à l’heure de l’inauguration.
Il faisait ainsi allusion aux différents projets avortés par manque de moyens. Comme l’idée de faire édifier un monolithe face au lac par le fameux architecte franco-suisse Cuno Brullmann.
Un peu de culture…
Eteints les flon-flons, repartis les hôtes de la cérémonie, le lieu retrouve son aspect et son calme habituel. On se prélasse et on se bécote sur la pelouse, les enfants jouent au ballon et les touristes britanniques se baignent dans le port.
Un jeune homme est occupé à lire attentivement les textes de l’un des nouveaux panneaux. Oui, il est bien d’ici, et il trouve que c’est «une bonne chose d’avoir placé là quelque chose de culturel».
swissinfo, Philippe Kropf à Brunnen
(traduction et adaptation de l’allemand, Marc-André Miserez)
La Place des Suisses de l’étranger à Brunnen, dans le canton de Schwytz, vient d’être réaménagée.
On y a installé vingt panneaux sur le thème de la Cinquième Suisse. Résistants aux intempéries, ils devraient y rester cinq ans.
Ils expliquent pourquoi des citoyennes et des citoyens suisses sont partis et partent encore s’établir à l’étranger et comment ils maintiennent les liens avec leur patrie.
– La Place des Suisses de l’étranger est un promontoire artificiel de 5000 m2, aménagé au début du 19e siècle dans la zone du port de Brunnen, sur le Lac des Quatre Cantons.
– L’endroit a été promu à son statut actuel en 1991, pour les 700 ans de la Confédération. Il marque le point de départ et d’arrivée de la Voie Suisse, où chaque canton se présente sur une portion de chemin pédestre autour du lac.
– Pour son inauguration le 1er Août 1991, le gouvernement y a accueilli 1000 Suissesses et Suisses de l’étranger.
– L’endroit appartient à la Fondation Place des Suisses de l’étranger et tient lieu de capitale symbolique de la Cinquième Suisse.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.