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La Suisse et le Luxembourg côte à côte

Cause commune pour défendre les privilèges fiscaux: Luc Frieden (à gauche) et Hans-Rudolf Merz.

Dans le différend fiscal qui l'oppose à l'Union européenne, la Suisse peut compter sur le soutien du Luxembourg. Les deux pays ne voient aucune raison de toucher aux privilèges accordés aux entreprises.

Lors d’une rencontre à Berne, le ministre des finances Hans-Rudolf Merz et son homologue luxembourgeois Luc Frieden sont tombés facilement d’accord sur la défense de leurs systèmes d’imposition.

«Attaquer la fiscalité cantonale revient à attaquer la souveraineté suisse», a indiqué Hans-Rudolf Merz mardi à l’issue de sa rencontre avec son homologue luxembourgeois. La Commission européenne estime en effet que les privilèges fiscaux accordés par certains cantons suisses dérogent aux accords de libre-échange de 1972.

Récemment, Arnaud Montebourg, porte-parole de la candidate socialiste à la présidence française Ségolène Royal, s’en est pris aux «pratiques prédatrices» des «paradis fiscaux suisses», épinglant au passage également les places du Luxembourg, du Liechtenstein et de Monaco.

Le député français réagissait ainsi au déménagement à Gstaad du chanteur Johnny Hallyday, qui n’a pas fait mystère du fait qu’il s’installait dans la station des Alpes bernoises pour payer moins d’impôts.

«Totalement inacceptable»

Pour Luc Frieden, ministre du Trésor et du Bugdet du Luxembourg, ces attaques relèvent tout autant «d’une mauvaise connaissance du système fédéraliste de la Suisse» que «de la jalousie».

«Quand les personnes et les entreprises sont de plus en plus nombreuses à quitter un pays, celui-ci devrait s’efforcer d’améliorer ses conditions-cadre au lieu d’accuser les autres», estime le ministre luxembourgeois dans une interview au quotidien zurichois Tages Anzeiger.

Quant aux accusations de pratiques fiscales «de brigand», ou d’«Etat voyou» (selon la formule d’Arnaud Montebourg), Luc Frieden les juge à la fois «ridicules» et «totalement inacceptables».

«Ceux qui lancent ces attaques veulent simplement défendre leurs taux d’imposition élevés, poursuit le ministre. Le fait qu’ils soient plus bas dans certains pays ne doit pas être automatiquement dénoncé comme de la concurrence déloyale».

Entre amis

La Suisse et le Luxembourg ont des places financières fortes et donc des intérêts communs, a rappelé Hans-Rudolf Merz. Les deux ministres ont souligné que leurs discussions avaient été très amicales et que les deux pays ont d’excellentes relations.

Et Luc Frieden de relever l’«extraordinaire partenariat» entre la Suisse et l’UE. «Il n’y a pas d’attaques entre amis, que des discussions», a-t-il déclaré.

Rien, dans le droit européen, ne permet en effet légalement de balayer le régime fiscal d’un Etat membre ou d’un partenaire de l’Union, a souligné le ministre luxembourgeois. Il faudrait pour ce faire une décision de l’UE. Luc Frieden se dit «convaincu» que le Luxembourg ne serait pas le seul pays à s’y opposer.

Selon lui, la Suisse «se doit d’entretenir des contacts réguliers avec les décideurs de l’Union». «Nous devons apprendre davantage les uns des autres et mieux nous écouter», a encore dit le ministre luxembourgeois au Tages Anzeiger.

La «bombe» de Doris Leuthard

Sur les privilèges fiscaux accordés aux personnes (et non plus aux entreprises), la ministre de l’économie Doris Leuthard a toutefois défendu mardi soir à la Télévision Suisse Romande une position bien différente de celle de ses collègues du gouvernement.

Invitée de l’émission politique Infrarouge, elle a dénoncé des pratiques «discriminatoires pour les Suisses», en mettant en avant l’exemple de Johnny Hallyday, qui, à revenu égal, paye dix fois moins d’impôts que la star bâloise du tennis Roger Federer.

Egalement présent sur le plateau d’Infrarouge, l’ancien président du Parti socialiste suisse Peter Bodenmann s’est réjoui de cette «bombe» politique, largement reprise par la presse suisse de mercredi.

Et pour bien enfoncer le clou, le quotidien de boulevard Blick donne les chiffres: Roger et Johnny gagent chacun environ 10 millions de francs par année. Le premier paye trois millions d’impôts, le second 300’000 francs.

Le ministère relativise, le gouvernement confirme

Mais dès mercredi matin, le ministère de l’économie relativise, expliquant que la prise de position de sa patronne Doris Leuthard «ne reflète que son avis personnel». Et rappelle que la fiscalité est l’affaire des cantons.

Madame Leuthard considère effectivement que les rabais fiscaux accordés aux étrangers peuvent représenter une discrimination pour les Suisses, mais sa position sur cette question ne doit pas être confondue avec celle qu’elle défend face à l’UE dans le dossier de la fiscalité des entreprises.

Mercredi également, le Conseil fédéral (gouvernement) a rappelé, au cours de sa conférence de presse hebdomadaire, qu’il ne veut pas renoncer à la possibilité d’accorder des forfaits fiscaux aux riches étrangers.

Le collège gouvernemental soutient ce type d’imposition qui s’applique dans des cas bien particuliers, a déclaré son porte parole Oswald Sigg. Le gouvernement s’est d’ailleurs déjà exprimé sur le sujet en réponse à plusieurs interpellations parlementaires.

swissinfo et les agences

La Suisse applique aussi le fédéralisme en matière fiscale. Les cantons et les communes fixent eux-mêmes le montant des impôts.

Cette situation provoque une concurrence fiscale. Cantons et communes espèrent attirer de riches contribuables grâce à une fiscalité attractive.

Certains cantons alémaniques se montrent particulièrement généreux avec les entreprises.

L’UE considère que cette pratique n’est pas correcte. Un code de conduite interne à l’Union interdit d’ailleurs aux Etats membres d’attirer des entreprises étrangères en leur appliquant des conditions plus avantageuses que celles appliquées aux entreprises du pays. Mais la Suisse n’a pas signé ce code.

Bruxelles tente de faire pression sur Berne en invoquant l’accord de libre-échange de 1972. A ses yeux, la politique fiscale suisse constitue une aide aux entreprises et contrevient par conséquent aux règles du libre-échange.

Ils sont accordés à des résidents étrangers très riches, qui n’ont pas de revenus en Suisse.

Un Suisse qui rentre au pays après un séjour d’au moins dix ans à l’étranger peut également bénéficier d’un forfait, mais seulement pour la première année fiscale suivant son retour.

Le forfait ne tient aucun compte du revenu ni de la fortune du contribuable. Il correspond au minimum à cinq fois le loyer ou la valeur locative de son logement en Suisse.

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