Le 19 mars 2023, Credit Suisse faisait naufrage
Il y a un an, la banque Credit Suisse sombrait, rachetée par sa concurrente UBS. Une opération dictée par la Confédération à l’issue d’une ultime semaine sur fond de crainte de crise financière mondiale. Chronologie d’une chute.
En cette troisième semaine de mars 2023, l’action Credit Suisse, à la peine depuis plusieurs mois, est encore mise à mal par les déboires de plusieurs banques régionales américaines. Notamment la Silicon Valley Bank, qui dans un contexte de resserrement monétaire opéré par la Réserve fédérale américaine, fait faillite le 10 mars.
Investisseurs, régulateurs et autorités redoutent une contagion à l’ensemble du système bancaire. La peur d’être à l’aube d’une nouvelle crise financière, avec des établissements sous-capitalisés, se diffuse. Les investisseurs préfèrent retirer leurs avoirs, les actions des banques chutent, la clientèle fuit. Avec en tête de liste, celle qui est perçue comme la plus malade et la plus fragile de toutes: Credit Suisse.
Mercredi 15 mars: le coup de grâce de la Banque nationale saoudienne
Mercredi 15 mars, tout s’accélère. Alignant les plus bas historiques, le titre de Credit Suisse voit la défiance des marchés se renforcer et perd jusqu’à 30% de sa valeur. C’est une journée noire pour le fleuron bancaire helvétique.
Dans ce contexte particulièrement tendu, Ammar al-Khudairy, président de la Banque nationale saoudienne, premier actionnaire du deuxième établissement bancaire helvétique, met le feu aux poudres en expliquant qu’il est hors de question pour l’institution du Moyen-Orient d’augmenter sa participation dans celle de la Paradeplatz à Zurich.
>> Les explications d’Alter Éco de la RTS sur le rôle de la Saudi National Bank, le 16 mars 2023:
Jeudi 16 mars: la BNS annonce un prêt maximum de 50 milliards
Credit Suisse vacille et l’annonce d’un prêt d’un maximum de 50 milliards de francs de la part de la Banque nationale suisse (BNS) ne suffit pas à restaurer la confiance.
Dès lors, les experts échafaudent des scénarios pour la banque. Celui d’une reprise par un concurrent, en particulier UBS, leur semble plus probable que la mise en œuvre d’une huitième restructuration depuis 2011.
>> Revoir le sujet du 12h45 de la RTS sur le soutien de la BNS, le 16 mars 2023:
Vendredi 17 mars: la faillite écartée, des pourparlers secrets avec UBS
Le scénario d’une faillite ordonnée au sens de la législation des établissements systémiques «trop grands pour faire faillite» est écarté. Affichant une dotation en capitaux conforme aux exigences et d’énormes liquidités, Credit Suisse ne se trouve techniquement pas dans une telle situation.
Mais le temps presse. À l’international, les autorités helvétiques sont appelées à régler le problème avant l’ouverture des marchés le lundi suivant. Ayant l’oreille des milieux financiers, le Financial Times annonce des pourparlers avec UBS.
>> Dans les coulisses du rachat de Credit Suisse, le récit du Financial Times traduit en français par SWI swissinfo.ch:
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Comment un triumvirat suisse a forcé UBS à sauver Credit Suisse
Dimanche 19 mars: l’annonce de la reprise par UBS
Après un samedi placé sous le signe des hésitations, des spéculations et de la complète incertitude, le Conseil fédéral tient une nouvelle réunion de crise. Une course contre la montre s’engage pour trouver une solution avant l’ouverture des marchés asiatiques pendant la nuit.
À 19h30, Alain Berset, président de la Confédération, prend la parole devant les médias à Berne. Le sort de Credit Suisse est scellé: à l’issue d’intenses discussions menées sous l’égide du Conseil fédéral, avec la BNS, l’Autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) et les dirigeants des deux banques, UBS reprend son dauphin.
Le numéro un offrira une action propre en échange de 22,48 titres Credit Suisse, soit 76 centimes, valorisant l’établissement aux deux voiles à quelque trois milliards de francs.
C’est ainsi que Credit Suisse et ses 167 ans d’histoire disparaissent, absorbés par son concurrent. C’est la sidération.
>> Revoir l’annonce par Alain Berset de la reprise de Credit Suisse par UBS, le 19 mars 2023:
Une garantie de 9 milliards de la Confédération
Requise par le Département fédéral des finances, la BNS et la Finma, «l’acquisition est attrayante pour les actionnaires d’UBS, mais, soyons clairs, il s’agit d’un sauvetage d’urgence pour Credit Suisse», résume devant la presse le président d’UBS Colm Kelleher. Au bénéfice du droit d’urgence décrété par le gouvernement, l’opération pourra être réalisée sans l’accord des actionnaires ni celui de la Commission de la concurrence (Comco).
>> Revoir le récit du 19h30 de la RTS, le 19 mars 2023:
La Confédération accorde une garantie de 9 milliards de francs à UBS afin de réduire les risques encourus du fait de l’acquisition d’actifs pouvant potentiellement entraîner des pertes. Et la BNS peut allouer des liquidités jusqu’à 100 milliards de francs au total aux deux banques au moyen d’un prêt couvert par un privilège en cas de faillite.
«Dimanche de la honte»
Certaines mesures, dont le relèvement à 100 milliards de francs des liquidités réservées à Credit Suisse, avaient déjà été décidées sans être communiquées, afin de ne pas affoler encore plus les marchés, expliquera la ministre des Finances Karin Keller-Sutter.
>> Revoir la prise de position de Karin Keller-Sutter sur la reprise de Credit Suisse dans le 19h30 de la RTS, le 14 août 2023:
Si le président de la Confédération Alain Berset juge que le rachat de Credit Suisse par UBS représente la meilleure solution pour rétablir la confiance et «éviter une crise financière de grande ampleur», la presse décrit elle un «dimanche de la honte» pour la Suisse et un jour noir pour sa place financière. Les éditoriaux mettent en exergue la lenteur et les difficultés à prendre conscience des erreurs, les tergiversations, les demi-mensonges et les maladresses ayant eu raison d’un établissement aux racines de la naissance de la Suisse moderne.
>> Revoir notre émission de débat sur la chute de Credit Suisse:
Président de Credit Suisse depuis janvier 2022, Axel Lehmann reconnaît l’accumulation des problèmes au sein de la banque, celle-ci se voyant rattrapée par les charges du passé et des risques qui se sont matérialisés. L’expert en matière de risques avait repris avec effet immédiat la présidence de la banque suite à la démission du Portugais António Horta-Osório, lequel avait contrevenu aux règles de quarantaines mises en place par la Suisse pour lutter contre le coronavirus.
>> Écouter le sujet radio de Cléa Favre, RTS:
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