Le succès de la presse gratuite se confirme
Le gratuit «20 Minuten» a dépassé le quotidien de boulevard «Blick». Il est désormais le journal le plus lu de Suisse.
L’information facile, vite lue et surtout gratuite confirme son succès. Mais, en comparaison internationale, la Suisse conserve l’un des lectorats les plus importants.
Selon l’étude REMP 2004 publiée mardi, le gratuit 20 Minuten arrive en tête du classement national des journaux, volant la première place au Blick. Le quotidien gratuit alémanique gagne 90’000 lecteurs à 782’000 et le quotidien de boulevard 15’000 à 736’000.
Quant au Tages-Anzeiger, il occupe toujours la troisième place mais perd un peu de terrain (- 3000 à 573’000), devant la Berner Zeitung (- 10’000 à 426’000).
Toujours en tête en Suisse romande, Le Matin augmente le nombre de ses lecteurs à 331’000 et arrive en sixième position sur le plan national devant la Neue Zürcher Zeitung, qui a perdu 25’000 lecteurs.
Avec 245’000 lecteurs, 24 Heures se classe à la dixième place, toutes régions confondues.
Le règne du journal gratuit
Ainsi, cinq ans après son arrivée en Suisse alémanique, la domination du journal gratuit 20 Minuten se confirme. Pour Roger Blum, spécialiste des médias, ce succès s’explique par son format tabloïd, sa distribution ingénieuse dans les gares et aux arrêts de bus, bref, une formule qui convient aux gens qui se déplacent avec les transports publics.
«C’est très pratique pour connaître les grands titres de l’actualité quand on va au travail le matin. Mais c’est plutôt une sorte de sommaire et la plupart des gens lisent ensuite d’autres journaux plus complets», explique à swissinfo le directeur de l’Institut des sciences des médias de l’Université de Berne.
Chez Ringier, Bernard Weissberg partage ce point de vue: «C’est un concept très moderne qui mise sur la mobilité de nos sociétés et a du succès partout dans le monde, c’est vrai.»
Mais 20 Minuten étant gratuit, «il n’est pas étonnant qu’il ait beaucoup de lecteurs, et je suis étonné qu’il n’en ait pas plus», dit encore Bernard Weissberg à swissinfo.
Et d’ajouter: «Et puis, pour être un succès il faut être rentable. Ce qui est loin d’être le cas et de loin, que ce soit en Suisse ou en France».
Plutôt une question de format
Bernard Weissberg se refuse à comparer le journal gratuit avec le Blick, produit-phare de Ringier. «Ce n’est pas la même catégorie que nos journaux, qui offrent tous plusieurs rubriques, des reportages, des articles de fond.»
Quoi qu’il en soit, la deuxième position est occupée par le Blick, qui est un journal de boulevard. Idem pour Le Matin, à la formule très ressemblante, qui domine de son côté la Suisse romande.
Ce succès de la presse gratuite et de boulevard traduit le goût croissant du public pour une information rapide et superficielle, «jetable» en d’autres termes.
Ce que confirme Harald Amschler, responsable de la recherche à la REMP. «C’est un fait que les journaux qui ont adopté le nouveau format, petit et plus facile à lire, gagnent du terrain sur les autres», explique-t-il à swissinfo.
Le format est donc plus important que la gratuité, ajoute Harald Amschler, «car plus de 90% des journaux distribués en Suisse sont payés par leurs lecteurs».
Le marché romand est différent
Pourquoi la formule de 20 Minuten, qui connaît un grand succès à Paris, ne prend-elle pas en Suisse romande?
Pour Bernard Weissberg, c’est parce que Le Matin occupe déjà le créneau. «Cela fait des années qu’il est distribué dans des caissettes réparties un peu partout dans les agglomérations. D’autre part, il a adopté le petit format du journal gratuit.» C’était en septembre 2001 déjà, alors que le cas du Blick a attendu le printemps 2004 pour réagir.
Michel Danthe, responsable d’un projet de journal gratuit du groupe romand Edipresse (éditeur de tous les grands quotidiens romands, et aussi du Matin), estime que les conditions logistiques ne sont pas les mêmes car la Suisse romande compte moins de pendulaires.
D’autre part, «Bâle, Berne et surtout Zurich bénéficient d’une excellente irrigation des transports en commun, je dirais même que c’est la meilleure au monde!»
Enfin, Michel Danthe rappelle que les journaux gratuits vivent de la publicité et que «le marché publicitaire romand est beaucoup plus calme que l’alémanique». En d’autres termes, la masse critiques de lecteurs existe en Suisse romande mais «les réalités économiques sont plus dures».
Roger Blum, lui, se demande si ce n’est pas tout de même une question de taille. «20 Minutes, c’est une formule pour grande ville. Je verrais plutôt, par exemple, le lancement d’une édition à Lyon, qui serait étendue à la région de Genève et Lausanne.»
Michel Danthe ne cache pas son scepticisme à ce propos: «c’est irréaliste, les cultures journalistiques française et suisse, même romande, sont trop différentes».
Un peuple de lecteurs
Plus généralement, la Suisse compte toujours un important lectorat en comparaison internationale. Au moins 97 % de la population lit au moins un journal et 94 % ouvre régulièrement un périodique hebdomadaire ou mensuel.
«C’est énorme, un des niveaux les plus élevés d’Europe, précise Harald Amschler, ce qui traduit un niveau de formation et d’éducation élevé.»
De leur côté, les journaux régionaux conservent un nombre de lecteurs plutôt stable. Par contre les quotidiens dits «de qualité» doivent s’accrocher. L’exemple de la Neue Zürcher Zeitung, qui a perdu 25’000 lecteurs, est parlant.
Les magazines de «news» perdent des lecteurs, comme Facts (de 523’000 à 471’000) en Suisse alémanique ou L’Hebdo (de 217’000 à 216’000) en Suisse romande.
Une érosion qui épargne les magazines TV (55 % des Suisses) ou spécialisés. Les magazines féminins restent stables avec une part de lectorat de 24 %.
En fait, conclut Harald Amschler, «le niveau élevé de lecteurs en Suisse est aussi une conséquence du nombre de journaux, toujours très impressionnant en Suisse en comparaison internationale, et de la concurrence accrue qui en est la conséquence».
swissinfo
Selon l’Institut WEMF/REMP, les Suisses sont un peuple de lecteurs: car 97% lisent au moins un journal et 94% des revues et périodiques.
Le secteur des revues spécialisées enregistre une progression, comme les magazines TV, lus par 55% de la population.
Les revues féminines atteignent un taux de 24%.
– Lectorat suisse:
20 Minuten: 782’000.
Blick: 736’000.
Tages-Anzeiger: 573’0000.
Berner Zeitung: 426’000.
Le Matin: 331’000.
Neue Zürcher Zeitung: 329’000.
– Lectorat romand:
Le Matin: 331’000.
24 Heures: 245’000.
La Tribune de Genève: 187’000.
Le Temps: 142’000.
– Au Tessin, le Corriere del Ticino a 113’000 lecteurs, La Regione Ticino 94’000 et le Giornale del Popolo 63’000.
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