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Skyguide sous surveillance

Un contrôleur ne pourra être seul pour surveiller les secteurs de transit de l'espace aérien. Keystone

Berne impose des mesures provisionnelles à Skyguide. Après la tragédie du Lac de Constance, les aiguilleurs du ciel ne devront plus jamais travailler en solo.

Désormais, les contrôleurs de Skyguide doivent être au moins deux à surveiller les secteurs de transit de l’espace aérien. En outre, l’aiguilleur en cause dans la collision de la semaine dernière est interdit de surveillance jusqu’à nouvel avis.

Cela ne signifie pas que l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) lui attribue une quelconque part de responsabilité, indique l’Office mardi en commentant les mesures provisionnelles qu’il a prises en sa qualité d’autorité de régulation après la collision intervenue le 1er juillet au-dessus du Lac de Constance.

L’interdiction de surveillance par une seule personne est valable de jour comme de nuit, précise l’OFAC.

Fin mai 2002, l’Office avait déjà demandé à Skyguide de n’y recourir qu’avec retenue en se fondant sur une recommandation du Bureau d’enquête sur les accidents d’aviation (BEAA) après un rapprochement dangereux de deux appareils.

Pas de révisions simultanées

Skyguide avait confirmé cette pratique restrictive il y a un mois, révèle l’OFAC. La société ne pourra en outre plus mettre plusieurs systèmes de sécurité hors service à la fois, ni en réduire le fonctionnement, à moins de prévoir d’autres mesures, comme l’augmentation du personnel en service par exemple.

L’OFAC approuve par ailleurs la réduction de 20% des capacités de contrôle que Skyguide a décidé samedi dernier. Il rappelle que la sécurité est une priorité absolue, qui passe avant les inévitables retards provoqués dans le trafic aérien international.

Instructions contradictoires

Lundi les enquêteurs allemands ont livré les premiers résultats de l’examen des boîtes noires des deux appareils. Ils laissent apparaître que les systèmes d’alerte automatique ont émis des instructions simultanées, ordonnant à l’avion russe de monter et au Boeing 757 de DHL de descendre, environ 45 secondes avant la collision.

Mais une seconde après ces alertes automatiques, la tour de contrôle de Zurich-Kloten a demandé à l’avion russe de descendre, selon les enregistrements des conversations cockpit.

Le pilote du Tupolev des Bashkirian Airlines n’ayant pas immédiatement répondu à l’ordre de la tour, les contrôleurs suisses l’ont répété 14 secondes plus tard. Le pilote russe a alors réagi, mais on n’était plus qu’à 30 secondes du choc à 10 500 mètres d’altitude.

A qui fallait-il obéir?

Le chef du bureau d’enquêtes helvétique sur les accidents d’aviation, Jean Overney, a affirmé qu’il ignorait les règles à suivre par les pilotes russes en cas de conflit entre les instructions des contrôleurs et le système anticollision de leur appareil. «En Occident, le pilote doit se conformer au système de l’avion», a-t-il toutefois indiqué.

Une pratique confirmée par Sepp Moser. Ce spécialiste de l’aviation parle même d’une «erreur» du pilote russe. Mais il nuance son propos: «il ne faut pas oublier que les pilotes russes ont tendance à obéir plutôt aux contrôleurs, car leurs ordinateurs ne sont pas très fiables».

En conclusion, Sepp Moser estime malgré tout que la responsabilité première de l’accident incombe à Skyguide. Car les systèmes informatiques d’urgence ne sont qu’un filet de secours.

Ligne occupée

Avant l’annonce relative aux boîtes noires, le centre de contrôle de Karlsruhe, dans le sud de l’Allemagne, avait confirmé avoir tenté, en vain, de joindre les aiguilleurs du ciel suisses durant les deux minutes précédant la collision.

Les contrôleurs allemands avaient guidé le Tupolev TU-154 et le Boeing 757 avant de passer le témoin à Skyguide.

La seule ligne en service chez Skyguide était occupée, a confirmé Axel Raab, porte-parole du contrôle aérien allemand à Langen. Les aiguilleurs allemands venaient alors de capter une alarme anticollision et voulaient aviser leurs collègues suisses en charge du contrôle aérien dans le sud de l’Allemagne.

Enquête ouverte

Rappelons enfin que le parquet de Bülach a ouvert une enquête pour déterminer le rôle des aiguilleurs de Skyguide dans le drame. Il a confié les pouvoirs correspondants à sa section aéroportuaire.

Le bureau du procureur a refusé de donner plus d’informations sur l’enquête. Il a toutefois laissé entendre que les poursuites se limiteraient à l’homicide par négligence et à la perturbation par négligence du trafic public.

swissinfo avec les agences

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