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Swiss se bat pour remplir ses appareils

L’avenir de la compagnie reste extrêmement difficile à évaluer. Keystone

Pour les trois premiers mois de 2003, la compagnie a transporté 2,67 millions de passagers contre 2,94 millions au dernier trimestre 2002.

Toutefois, ces chiffres ne donnent pas d’indications sur la rentabilité de la société.

Malgré les efforts déployés par Swiss pour offrir des prix cassés sur certaines destinations européennes, le nombre de passagers qu’elle transporte recule.

Sur les trois premiers mois de 2003, le taux d’occupation moyen des sièges s’est élevé à 67,9% contre 70,7% pour l’année 2002. Sur le réseau européen, ce même taux atteint 49,6% contre 50,1% au premier trimestre 2002.

Pour ce qui est du trafic intercontinental, toujours pour les trois premiers mois de cette année, 77,2% des sièges ont été occupés. Mais il n’y a, en l’occurrence, pas de véritable base de comparaison en 2002. En effet, à cette époque, les vols étaient assurés par Swissair.

Ces résultats correspondent aux attentes des analystes. Pour autant, ils ne permettent pas d’évaluer la rentabilité de Swiss.

En effet, ces chiffres ne fournissent pas d’indications sur les catégories de sièges vendus et les marges qui leur sont associés.

L’avenir de la compagnie reste extrêmement difficile à évaluer. D’autant plus que, depuis son lancement le 1er avril 2002, la compagnie se débat dans un contexte très tendu.

La déprime économique généralisée et les surcapacités dans le transport aérien ont freiné la croissance du secteur aérien.

Le conflit en Irak et l’épidémie de pneumonie atypique (SARS) n’ont rien arrangé.

Swiss vacille

Certains experts ne cachent pas leur inquiétude. Ils estiment même que l’avenir de la compagnie aérienne suisse n’a jamais été aussi chancelant.

Le ministre de l’Economie a même exprimé lundi un intérêt particulier dans le suivi du dossier Swiss, pourtant du ressort du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC).

«En tant que ministre de l’Economie, affirme Joseph Deiss, je ne peux que me sentir concerné.» Un commentaire qui souligne la fragilité croissante de la compagnie aérienne.

«Je n’achèterais pas de titres Swiss, confie Patrick Schwendimann, analyste à la Banque cantonale de Zurich (BCZ). La compagnie doit encore procéder à des adaptations, ce qui signifie des réductions de coûts supplémentaires.»

Or, malgré la multiplication de ces signaux inquiétants, Swiss n’a pratiquement rien fait pour dissiper le sentiment de crise sous-jacente qui s’est installé.

Sommet de crise

La semaine dernière, le directeur exécutif de la compagnie, a réclamé l’organisation d’une rencontre urgente entre Swiss, ses principaux partenaires – tels que les dirigeants de l’aéroport de Zurich – et le gouvernement.

Dans une débauche d’activités, André Dosé s’est également rendu à Bruxelles où il a rencontré le commissaire européen chargé des transports, puis à Berne où il s’est entretenu avec Moritz Leuenberger, le ministre suisse des Transports.

Des rencontres qui n’ont fait qu’alimenter les spéculations portant sur d’éventuels soutiens financiers étatiques et dont la presse dominicale a fait ses choux gras.

Des sources non confirmées parlent d’une nouvelle réduction de la flotte de Swiss. Elles mentionnent aussi une réorganisation de la société – décomposée en deux unités dont l’une se chargerait du trafic long-courrier et l’autre des vols régionaux.

Ces spéculations sont d’autant plus plausibles que la direction de Swiss a présenté, le mois passé, une perte de 980 millions de francs sur l’exercice 2002. Et qu’elle a prévenu que 2003 serait l’année la plus dure jamais vécue par le secteur du transport aérien.

Injection de fonds

En Suisse, peu nombreux sont ceux qui contestent le fait que Swiss vive une période critique. Pour sa part, le monde politique a déjà fait savoir qu’il était hostile à de nouvelles injections de fonds publics au sein de la compagnie.

Seuls les socialistes ont laissé la porte ouverte à l’éventualité de nouveaux subsides. A condition que des mesures identiques soient décrétées au plan européen, dans le prolongement des décisions prises par Washington pour soutenir les compagnies américaines.

Une action unilatérale de la Suisse n’est tout simplement pas envisageable. «La Commission européenne n’acceptera jamais que les autorités helvétiques réinjectent des liquidités au sein de Swiss, du moins pas à court terme», estime Pierre Condom, directeur de la revue Interavia.

Une opinion partagée par Patrick Schwendimann. L’analyste de la BCZ estime, lui aussi, que la Suisse ne pourra subventionner sa compagnie aérienne que si les pays membres de l’Union font de même. Sous peine de graves entorses au régime de la concurrence.

«Dans la configuration actuelle, estime Patrick Schwendimann, les compagnies européennes ne peuvent pas compter sur des aides étatiques. Elles ne peuvent compter que sur elles pour sortir de cette crise.»

Fierté nationale

Un refus des autorités d’octroyer de nouveaux crédits à Swiss aurait des incidences funestes sur la compagnie. Pour autant, Pierre Condom ne pense pas que le gouvernement soit prêt à franchir le pas.

«Cela poserait bien sûr un problème politique, dit le directeur de la revue Interavia. Mais je ne pense pas qu’il atteindrait la même dimension que dans le cas Swissair. De récents sondages ont démontré que les Suisses n’étaient plus disposés à payer.»

De plus, l’argument de la fierté nationale – qui avait permis à Swiss d’obtenir plus d’un milliard de francs de la part des autorités fédérales et cantonales – n’a plus cours aujourd’hui.

«Les citoyens attendent qu’une compagnie aérienne desserve la Suisse et non pas une compagnie suisse en tant que telle», explique encore Pierre Condom.

Swiss n’est pas seule

Cela dit, les problèmes que rencontre Swiss ne lui sont pas spécifiques. Toutes les compagnies aériennes sont confrontées aux mêmes difficultés.

A commencer par British Airways (BA), l’une des compagnies les plus réputées dans le monde, qui a particulièrement souffert de l’explosion du nombre de cas de pneumonies atypiques (SRAS) en Asie.

«C’est le pire que j’ai vu», a déclaré sans ambages Rod Eddington, directeur exécutif de BA, lors d’une réunion organisée vendredi par la Chambre de commerce helvético-britannique.

La fréquentation des vols à destination de Hong Kong s’est littéralement effondrée alors même que la compagnie constituait des «réserves pour affronter une période vraiment difficile».

Scénario catastrophe

Face à la crise, l’industrie du transport aérien échafaude aujourd’hui un «scénario catastrophe» soutenu par trois facteurs.

A savoir, la guerre en Irak, qui a asséché la demande au Moyen-Orient. Le SRAS, qui est à l’origine de l’érosion du marché du tourisme en Asie. Et l’hypothèse d’un nouvel attentat terroriste.

«L’impact sur le trafic nord-atlantique serait sévère, analyse Pierre Condom. Swiss est une jeune compagnie. Et, à ce titre, on peut la comparer à un avion au moment du décollage, la phase de vol la plus critique.»

Si les pires cauchemars de l’industrie devaient devenir réalité, Swiss ne serait pas la seule à disparaître. «Au bout du compte, conclut le directeur d’Interavia, la mort de Swiss passerait totalement inaperçue au milieu du concert de faillites engendrées par la réalisation du pire des scénarios,»

swissinfo, Jacob Greber
(traduction: Jean-Didier Revoin)

– 1er avril 2002: envol de Swiss.

– 16 septembre 2002: Swiss annonce des pertes de 447 millions de francs pour son premier semestre d´existence. Avec 1,754 milliard de francs, le chiffre d´affaires dépasse nettement le 1,209 milliard inscrit au business plan.

– 19 novembre 2002: Swiss réduit sa flotte de huit avions et doit supprimer 300 emplois. La compagnie crée d’autre part 200 postes dans le secteur de la technique et des technologies de l´information.

– 17 janvier 2003: avec 11,6 millions de passagers sur ses vols en 2002, Swiss a transporté 1,8 million de personnes de plus que prévu dans le business plan.

– 27 janvier 2003: André Dosé annonce «une année 2003 difficile» pour Swiss.

– 24 février 2003: le syndicat du personnel au sol (GATA) mobilise contre d´éventuelles suppressions d´emplois.

– 25 février 2003: Swiss annonce la suppression de 700 emplois et la réduction de sa flotte de 20 avions, dont 17 régionaux, sur une flotte de 132 appareils. La mesure doit prendre effet le 30 mars.

– 25 mars 2003: Swiss réduit son capital au moyen d’une réduction de la valeur nominale de ses actions qui passe de 50 à 32 francs.

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