La presse place Ueli Maurer sous observation
Au lendemain de l'élection, à une voix près, d'Ueli Maurer, la presse suisse estime qu'il s'agit d'un ministre en sursis. Il devra se montrer capable de collégialité, faute de quoi la prétention gouvernementale de la droite nationaliste risque de se voir sérieusement remise en question.
«Ueli Maurer entre au Conseil fédéral sur un coup de dés, par la petite porte, en étant conscient qu’il sera surveillé de très près». Comme le résume le quotidien Le Temps, l’élection du nouveau ministre suisse de la Défense n’a pas été de celles qui font l’unanimité.
Deux mots reviennent d’ailleurs souvent sous la plume des éditorialistes helvétiques: sursis et surveillance. Pas de doute, Ueli Maurer, ancien président de l’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste) est attendu au contour.
Parlant d’une élection «à la raclette», Le Matin estime pourtant que «réintégrer au gouvernement un parti qui représente 30% des voix, c’est faire acte de sagesse.»
Un avis partagé par la grande majorité des journaux suisses, qui jugent favorablement le retour de l’UDC au Conseil fédéral. «Cette élection constitue un pas en direction d’un retour à la normalité helvétique», estime à ce propos le quotidien zurichois Neue Zürcher Zeitung (NZZ). Quant à la Tribune de Genève, elle écrit que désormais «les esprits sont apaisés et la stabilité institutionnelle est retrouvée».
A l’étranger également, le quotidien allemand Badische Zeitung fait remarquer que la Suisse «est passée à deux doigts d’un tremblement de terre politique». Elle a néanmoins «sauvé son système politique et éloigné définitivement Christoph Blocher de la politique fédérale», se félicite le journal autrichien Die Presse.
Une dernière chance
Reste qu’aux yeux des commentateurs, le score très serré de cette élection – 122 voix à Ueli Maurer contre 121 au député UDC Hansjörg Walter – résonne comme un avertissement que le nouveau ministre et son parti seraient bien inspirés de ne pas ignorer.
«Avec cette élection, juge ainsi le Tages Anzeiger de Zurich, l’UDC a gagné pour la dernière fois la chance de montrer que même des tenants de la ligne dure peuvent faire de bons conseillers fédéraux.»
Ueli Maurer réussira-t-il là où le leader de la droite nationaliste Christoph Blocher, non-réélu au poste de ministre il y a tout juste un an, a échoué ? Pour la NZZ, les parlementaires bourgeois lui ont fait confiance, conscients du fait qu’on ne peut pas le réduire au rôle de «bras droit de Blocher».
Un homme d’Etat?
«Lorsqu’il ne se comporte pas en chef de campagne, Ueli Maurer est capable d’être collégial et fiable», écrit l’éditorialiste de la NZZ. D’autres sont plus dubitatifs et insistent sur le fait que le nouveau ministre démocrate du centre devra faire ses preuves.
«Si Ueli Maurer espère être réelu en 2011 et garantir ainsi la participation à long terme de l’UDC au gouvernement, il ne pourra pas se comporter comme l’a fait Christoph Blocher. Ceci même s’il n’existe pratiquement pas de différence entre les positions politiques des deux hommes», avertit le journal tessinois La Regione.
La Liberté attend quant à elle d’Ueli Maurer qu’«il troque son costume de bonimenteur sans scrupules contre l’habit d’un homme d’Etat». Plus sévère, le Journal du Jura ne voit pas d’un bon oeil cette élection car «Christoph Blocher et Ueli Maurer, c’est bonnet blanc et blanc bonnet».
Un Parlement qui n’assume pas
Comme il plane sur cette élection, le fantôme du tribun zurichois revient aussi hanter de nombreux éditoriaux. La Basler Zeitung attend par exemple d’Ueli Maurer qu’il prenne au sérieux ses déclarations en faveur de la collégialité et qu’il coupe le lien avec la figure tutélaire du parti.
Car s’il ne convainc pas, le Parlement n’hésitera pas à «l’envoyer dans le désert, comme il l’a fait avec Christoph Blocher», écrit notamment la Berner Zeitung. Un Parlement qui, s’il a montré avec cette élection à quel point il tenait à ses prérogatives, «flirte avec un désir de changement de système qu’il n’assume pas», constate néanmoins Le Matin.
La leçon qu’il a donnée mercredi à Ueli Maurer, et à travers lui à l’UDC, n’est donc pas exempte de critiques. «Malgré toute l’envie de voir dans cette élection un symbole, un signe, une tendance forte, l’impression qui domine aujourd’hui est celle d’une partie serrée de politique politicienne», déplore 24 heures.
De son siège «au confort relatif», comme le décrit le journal vaudois, Ueli Maurer sera-t-il capable de prouver que l’UDC tendance dure peut s’intégrer aux responsabilités gouvernementales? Les paris sont ouverts.
swissinfo, Carole Wälti
Après un suspense de deux heures et trois tours de scrutin, Ueli Maurer a été élu mercredi au Conseil fédéral (gouvernement).
Successeur de Samuel Schmid, il reprendra son ministère, celui de la Défense.
Ancien président de l’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste), Ueli Maurer est un fidèle de la ligne blochérienne.
Son élection s’est jouée à une voix, l’Assemblée fédérale étant complètement divisée.
Au troisième tour, Ueli Maurer a en effet récolté 122 voix, contre 121 au candidat malgré lui de l’UDC Hansjörg Walter, président de l’Union suisse des paysans.
Ce dernier était pourtant monté à la tribune pour dire qu’il n’accepterait pas son éventuelle élection.
Le leader de l’UDC Christoph Blocher, évincé du Conseil fédéral il y a tout juste un an, a quant à lui récolté 54 voix au premier tour, pour ensuite se retirer.
Le Vert Luc Recordon a pour sa part suspendu sa candidature et invité à voter pour Hansjörg Walter.
Avec cette élection, la droite nationaliste est de retour au gouvernement.
Elle a d’ores et déjà revendiqué un deuxième siège pour un candidat qu’elle entend choisir elle-même.
Les autres partis bourgeois ont quant à eux salué un retour à la concordance.
La gauche en revanche a exprimé une certaine méfiance et mis en doute les promesses de collégialité faites par le nouveau conseiller fédéral UDC.
Ce résultat dans un mouchoir de poche laisse en tous les cas planer le doute sur le sort d’Ueli Maurer lors de la prochaine réélection intégrale du Conseil fédéral, en 2011.
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