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Les expatriés suisses ne veulent pas être discriminés par les banques helvétiques

Bank employee talking to customer
Ouvrir un compte dans une banque suisse reste difficile et cher pour les Suisses de l'étranger. Keystone

Les expatriés suisses font pression sur les institutions de leur pays d’origine pour obtenir un accès sans discrimination aux services financiers. La question est en souffrance depuis plusieurs années.

«Trop, c’est trop», lâche Ariane Rustichelli, directrice de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSELien externe).

En mai, un député du Conseil national (Chambre basse) a demandé au gouvernement de proposer une modification légale visant à garantir aux Suisses de l’étranger le droit d’ouvrir un compte bancaire auprès d’une importante banque helvétique.

Les députés ont finalement rejeté la motion, comme le préconisait le Conseil fédéral. Durant les débats, le ministre des Finances, Ueli Maurer, a soutenu que, dans un système libéral, les banques devaient être libres de faire leur propre évaluation des risques.

Conseil et Congrès

Cette année, le CongrèsLien externe des Suisses de l’étranger a lieu à Bâle le week-end prochain. Il se concentrera sur l’intérêt commun des expatriés et des résidents suisses. Parmi les principaux intervenants se trouvent le ministre en charge de la santé et de la culture Alain Berset, le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Pascale Baeriswyl, l’auteure Irina Brežná et des spécialistes de la migration, de la culture et de l’éducation.

Dans le cadre du congrès annuel, le Conseil Lien externedes Suisses de l’étranger (140 membres) se réunit vendredi. Les questions à l’ordre du jour comprennent le vote à l’échelle nationale sur une réforme des retraites, la politique des banques suisses à l’égard les expatriés suisses et le vote électronique.

Environ 775 000 citoyens suisses vivaient à l’étranger à la fin de l’année dernière, soit une augmentation de 2% par rapport à l’année précédente. 

Le refus du Parlement a ulcéré la Cinquième suisse qui a envoyé quantité d’e-mails et de lettres à l’OSE et aux parlementaires, selon Ariane Rustichelli.

Deux nouvelles motions ont été déposées séparément au Parlement, l’une par le sénateur Filippo Lombardi et l’autre par commission des affaires étrangères du Conseil national. Les deux textes réitèrent les revendications des Suisses de l’étranger à l’égard des principales banques suisses et de PostFinance qui appartient à l’Etat.

Bien que les interventions parlementaires antérieures aient donné des résultats limités, Ariane Rustichelli se dit confiante pour l’avenir: «Je pense que nous avons de bonnes chances de trouver une solution satisfaisante. Il y a une prise de conscience croissante du problème et le soutien au Parlement augmente.»

Stratégie de l’OSE

L’OSE a lancé une stratégie visant les grandes banques «Too big to fail» qui bénéficient d’une garantie implicite de l’État, les banques cantonales, PostFinance et d’autres institutions privées.

Il est crucial d’éliminer les obstacles qui pourraient limiter la mobilité de la communauté suisse à l’étranger qui est en pleine croissance, écrit Filippo Lombardi dans sa motion : «Les ressortissants suisses vivant à l’étranger ont besoin d’un compte bancaire en Suisse, notamment pour souscrire une assurance maladie, payer leurs cotisations sociales, couvrir leurs dépenses lors de leurs visites en Suisse ou gérer leur propriété.»

Filippo Lombardi ajoute que, depuis 2008, il est devenu de plus en plus difficile pour les expatriés suisses d’ouvrir ou de garder un compte, car les banques refusent souvent de les accepter ou pratiquent des tarifs prohibitifs à leur égards.

Pour sa part, la commission des affaires étrangères a déposé une motion invitant le gouvernement à veiller à ce que PostFinance étende ses services financiers universels aux ressortissants suisses vivant à l’étranger.

Le président de la commission Roland Rino Büchel affirme qu’il y a un soutien croissant des partis: «C’est un signe clair d’une large sensibilisation du public. C’est important de maintenir la pression politique.» Celui qui s’est déjà fait l’auteur d’au moins trois motions parlementaires sur la question critique fortement les tentatives de l’association des milieux d’affaires Economiesuisse de couler sa motion. Il accuse les lobbyistes d’utiliser des moyens injustes pour bloquer toute solution.

Roland Rino Büchel et Filippo Lombardi sont les principaux membres du Conseil des Suisses à l’étranger et travaillent en étroite coopération avec l’OSE ce qui représente environ 775 000 expatriés enregistrés.

Des coûts trop élevés

PostFinance, une unité de la Poste Suisse, figure parmi les quelques banques de détail disposées à accepter les clients suisses résidant à l’étranger. Elle offre des services de base qui comprennent la possibilité d’avoir un compte privé, un e-banking, une carte de débit et d’effectuer des transactions financières.

«Nous sommes heureux d’offrir ces services, déclare le porte-parole de la société Johannes Möri. Nous le faisons volontairement avec des conditions qui couvrent nos frais. Nous comprenons que ces frais ne sont pas très appréciés parmi nos clients expatriés suisses. Toutefois, les exigences réglementaires croissantes dans les affaires transfrontalières ont rendu les hausses de prix inévitables.»

PostFinance, qui fait partie des cinq principales institutions financières du pays, a augmenté depuis cette année les frais mensuels à 25 CHF par client. Selon son porte-parole, il serait très difficile, avec un tel montant, d’étendre la gamme de services comme cela a été demandé, que ce soit l’offre de cartes de crédit ou de prêts hypothécaires. «Nous ne distribuons pas les coûts résultant de l’activité internationale à taux forfaitaire à l’ensemble de nos clients. Nous facturons les clients domiciliés à l’étranger selon un système basé sur l’utilisateur. Toute autre approche serait injuste envers nos autres clients.»

Inévitable

Le parlementaire Maximilian Reimann, membre de l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice), est sur le principe d’accord que les expatriés suisses doivent avoir accès aux services bancaires en Suisse. Mais il estime qu’il n’est pas possible de placer des clients à l’extérieur du pays sur un pied d’égalité avec les clients domestiques. Trois Suisses de l’étranger sur quatre ont la double nationalité, ce qui signifie qu’ils sont également soumis aux lois d’un autre pays, relève le parlementaire: «Par conséquent, les banques suisses et PostFinance ne doivent pas être forcées de faire face à des problèmes extraordinaires.»

À l’instar de Johannes Möri, il exclut le financement croisé comme moyen d’éviter des coûts supplémentaires pour les clients expatriés. Et d’un ton plus catégorique, Maximilian Reimann dit que les gens qui décident d’aller vivre à l’étranger doivent être prêts à accepter certains inconvénients.

Ambiance combative

Au quartier général de l’OSE à Berne, l’heure est au combat. La directrice Ariane Rustichelli insiste sur le fait que la Cinquième suisse représente une clientèle attrayante pour les banques et qu’il est temps pour les politiciens de descendre de leur tribune.

Ariane Rustichelli ajoute que les Suisses de l’étranger en ont marre de certains politiciens qui les accusent de profiter des prestations vieillesse, d’un gouvernement qui ne veut pas agir et des banques qui se débarrassent des clients moins riches au profit de personnes fortunées.

(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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