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La récolte rémunérée de signatures, une «déviance» de la démocratie directe

Des gens entassent des boîtes de signatures
Les signatures pour l'initiative populaire "Pour un congé paternité raisonnable" ont été déposées en juillet 2017. Les promoteurs l'ont ensuite retirée au profit de la contre-proposition adoptée par le Parlement, aujourd'hui attaquée par un référendum qui a soulevé une vive controverse sur la manière de collecter les ssignatures. Thomas Delley/Keystone

L’obtention frauduleuse de signatures pour des référendums ou des initiatives populaires doit être passible de poursuites pénales et la récolte rémunérée de signatures doit être interdite: c’est ce que réclament deux élus socialistes, afin de garantir le bon fonctionnement de la démocratie directe suisse.

Les témoignages de nombreux citoyens interpellés par des démarcheurs leur demandant de signer une proposition pour une cause donnée, alors qu’en réalité il s’agissait de la cause opposée, ont suscité un tollé en Suisse l’année passée. Beaucoup sont tombés dans le piège et ont signé.

Cela s’est produit lors du référendum contre la norme pénale anti-homophobie, puis avec le référendum contre le congé paternité. Tous les faits rapportés ont eu lieu dans des cantons romands.

Le conseiller national (Chambre basse du Parlement) Mathias ReynardLien externe, qui est à l’origineLien externe de la norme contre l’homophobie, est tombé lui-même sur des démarcheurs en train de mentir. Le parlementaire socialiste a filmé et publié la scène sur Twitter pour dénoncer ce qui se passait. Il a aussi exhorté les citoyens grugés à s’adresser aux autorités et à demander l’annulation de leur signature.

Contenu externe

Par la suite, Mathias Reynard a interpelléLien externe le gouvernement suisse sur la possibilité des citoyens de retirer leur signature pour des référendums et des initiatives. Le Conseil fédéral a répondu que la loi ne prévoyait pas ce cas de figure, soulignant que «le citoyen qui signe une initiative populaire ou un référendum ne prend aucun engagement quant à son vote dans le cas d’une éventuelle votation populaire.»

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Baptiste Hurni. © Gaetan Bally/Keystone

«Réprimer la collecte frauduleuse de signatures»

Dépité, Mathias Reynard en a discuté avec son collègue de parti, le député Baptiste HurniLien externe qui, par une motionLien externe non encore traitée à la Chambre basse, a demandé la création d’une base légale pour pouvoir poursuivre pénalement toute personne qui obtient de façon frauduleuse des signatures pour des référendums ou des initiatives populaires, et pour pouvoir les annuler le cas échéant.

«Ces méthodes mettent clairement en danger notre démocratie directe et elles doivent être réprimées au même titre qu’une escroquerie», a déclaréLien externe Baptiste Hurni en décembre dernier à la Radio Télévision suisse (RTS).

Le parlementaire s’est dit préoccupé par la multiplication de pratiques semblables – qui, entre temps, s’étaient répétées avec le référendum contre le congé paternité – et il a souligné la nécessité de fixer des règles claires pour garantir le bon fonctionnement de la démocratie directe. «C’est l’un des biens les plus précieux de Suisse et il faut le protéger par tous les moyens.»

Des démarcheurs rémunérés

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Dans les deux cas, ce sont des collecteurs de signatures rémunérés qui étaient à l’origine de ces pratiques. Ils avaient été engagés par Incop SuisseLien externe, une association basée à Lausanne qui affirme œuvrer pour «favoriser la démocratie directe en Suisse». Ces dernières années, Incop a reçu des mandats de la part de différents partis et comités d’initiative et de référendum. Ses collaborateurs sont payés à la signature récoltée.

Certains démarcheurs ont affirmé à plusieurs médias qu’ils n’avaient pas été formés et qu’ils avaient été mal informés. Une enquête de l’émission Mise au Point de la RTS a révélé des pratiques trompeuses et opaques et montré que les démarcheurs mentent fréquemment sur la nature des projets de loi pour obtenir un maximum de paraphes. Après le reportage, le directeur d’Incop, Franck Tessemo, a annoncé que dorénavant les partis eux-mêmes allaient devoir former les démarcheurs d’Incop.

Éliminer le problème à la racine

Mais pour Mathias Reynard il ne doit pas y avoir de «dorénavant»: lors de la session parlementaire qui commence le 2 mars, il va déposer une proposition pour interdire la collecte rémunérée de signatures. «Il faut éliminer le problème à la racine» a-t-il déclaré à swissinfo.ch.

Un homme
Mathias Reynard. Urs Flüeler/Keystone

À son avis, «les entreprises qui paient pour recueillir des signatures sont à l’origine des dérives de l’année dernière. C’est un système qui exploite des personnes en situation précaire en les soumettant à une pression énorme, car elles sont payées au nombre de signatures récoltées. Elles sont poussées à recueillir un maximum de signatures par tous les moyens, y compris le mensonge». Subrepticement, «elles trompent les citoyens en profitant de leur bonne foi».

Pour le député socialiste, «avec ces méthodes, censées compenser par l’argent le manque de militantisme, on est tombés dans une déviance de la démocratie directe: on est en train de détruire la confiance des citoyens.»

Le modèle genevois

La possibilité d’interdire la rémunération des démarcheurs a déjà été envisagée plusieurs fois par le gouvernement et le parlement suisses. La conclusion a toujours été que cette pratique n’interfère pas dans l’exercice des droits des citoyens.

Il y a un peu plus d’un an, au Tessin, une initiative parlementaireLien externe d’un député du Mouvement pour le socialisme (extrême gauche), qui demandait une interdiction au niveau cantonal, a été rejetée par le gouvernementLien externe et enterrée définitivement par le parlementLien externe: aucun parti ne l’a soutenue, même pas le Parti socialiste. La proposition a obtenu seulement 7 voix disparates pour, 49 contre et 3 abstentions.

Le seul canton où cette interdiction est en vigueur est celui de Genève. Ce sera le modèle de référence de Mathias Reynard.

Traduction de l’italien: Isolda Agazzi

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