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Soudan: la paix est-elle encore possible ?

Janvier 2009, les troupes du Mouvement populaire de libération du Soudan défilent à Malakal (Sud), pour le 4e anniversaire de l’accord de paix passé avec Khartoum. Reuters

Au Soudan, des élections générales sont prévues en avril et un référendum sur l’autodétermination du Sud début 2011. La Suisse, qui s’est impliquée dans la conclusion du cessez-le-feu dans les monts Nuba, soutient le processus de paix et la mise en place d’institutions durables.

Le Soudan est-il à un tournant historique? En avril devraient se tenir les premières élections multipartites – présidentielles, législatives et locales – depuis 1986. En janvier 2011, un referendum est prévu au Sud, qui pourrait aboutir à la sécession pure et simple de cette région riche en pétrole.

Ces deux dates-clé sont prévues par l’accord de paix signé en 2005 entre le Parti National du Congrès, déjà présidé par Omar al-Bashir, et le Mouvement populaire de libération du Soudan de John Garang – et qui mettait fin à 22 ans de guerre civile.

Le problème est qu’entre temps la donne a changé: John Garang est mort, Omar al-Bashir a été inculpé par la Cour pénale internationale et le conflit du Darfour a fait 300’000 morts depuis 2003 selon l’ONU – 10’000 selon Khartoum – et 2,7 millions de déplacés. Alors, le pays est-il menacé d’implosion?

«Nous voulons la paix au Darfour et nous sommes en train d’y parvenir! 70% des problèmes sont en voie de résolution et le dernier round de négociations vient de démarrer à Doha», nous déclare John Ukec Lueth Ukec, ambassadeur du Soudan auprès de l’ONU à Genève. Le diplomate fait référence aux négociations en cours dans la capitale du Qatar depuis 2009, sous l’égide de l’ONU, de la Ligue arabe et de l’Union africaine.

Darfour: l’accord incertain

Mais si l’intensité du conflit au Darfour a beaucoup diminué depuis 2003, la plupart des observateurs sont loin de partager l’optimisme de l’ambassadeur soudanais. Certains font remarquer que, si la violence a diminué, c’est surtout parce que les fronts, sur le terrain, se sont désintégrés.

Par contre, Khartoum semble vouloir vraiment la paix, ne serait-ce que pour redonner un semblant de respectabilité et de légitimité démocratique à Omar al-Bashir. Le problème est que les rebelles, pour des raisons différentes, liées à des conflits internes, ne sont pas très enthousiastes. «Nous sommes prêts à partager le pouvoir avec eux et les invitons à se présenter aux élections! Car ces élections vont remettre tout à plat et pourraient changer complètement la donne», affirme sans ambages l’ambassadeur soudanais.

Frank Schürch, adjoint de l’Ambassadeur Andrea Semadeni, le représentant spécial du ministère suisse des Affaires étrangères pour le Soudan, est plus prudent: «D’ici aux élections d’avril, il est encore possible que les négociations entre le gouvernement et certaines fractions portent leurs fruits et débouchent sur des accords partiels. Il se peut aussi que grâce à la médiation officielle, dans le cadre du processus de Doha, on parvienne à inclure les représentants de la population civile, ce qui est capital. Mais la probabilité qu’un accord de paix durable soit signé par toutes les parties prenantes au conflit avant les élections d’avril 2010 diminue chaque jour.»

Le référendum pourrait rallumer le conflit

Quant à la situation du Sud, Khartoum déclarait récemment vouloir respecter l’issue du référendum, quelle qu’elle soit – même la sécession. Est-ce crédible?

«Le but ultime de l’accord de paix de 2005 est de jeter les bases d’un Soudan uni, selon la vision des négociateurs en chef, Osman Taha et John Garang, réfléchit Frank Schürch. Mais l’accord indiquait qu’il fallait encore faire des efforts pour ‘rendre l’unité attractive’. Il comprend plusieurs points clé qui demandent encore à être précisés: la répartition des ressources naturelles, la démarcation des frontières et l’organisation des élections en avril 2010. Il faut aussi trouver un consensus sur le recensement de 2009, qui détermine le nombre de représentants du Sud dans un prochain gouvernement et régler le désarmement des milices. Le processus de mise en œuvre est cependant en retard et il faudra de gros efforts pour que le referendum puisse se tenir dans des conditions acceptables.»

De son côté, Human Rights Watch est plus sévère: l’ONG craint que les élections d’avril ne soient ni libres, ni démocratiques, ni transparentes. Elle dénonce les arrestations de membres de partis d’opposition et d’observateurs électoraux et l’interdiction de rassemblements contre al-Bashir. Ce dernier, sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour, a tout intérêt à remporter les élections présidentielles, au risque d’être lâché par son propre parti et de se voir déférer devant la Cour.

Isolda Agazzi, swissinfo.ch

Contribution. Depuis la fin des années 90, la Suisse apporte sa contribution à la résolution du conflit entre le Nord et le Sud.

Accord. En collaboration avec les Etats-Unis, elle a mené des négociations sur les montagnes Nuba qui ont abouti, le 19 janvier 2002, à la signature d’un accord de cessez-le-feu à Bürgenstock, près de Lucerne – prélude à l’accord de paix de 2005.

Trois axes. Aujourd’hui, la Suisse mène des activités de maintien de la paix sur trois axes:
– Dans le cadre de la problématique Nord – Sud, elle apporte sa contribution à la mise en œuvre de l’accord de paix de 2005 et à la préparation de la phase post-référendaire.
– Au Darfour, elle offre ses bons offices pour la promotion de la paix, des droits de l’homme et du droit international humanitaire, en coordination avec la médiation officielle de l’ONU/UA.
– Au Sud-Soudan, elle contribue au processus de création et de renforcement des institutions étatiques. Elle estime que, même si la mise en place de structures étatiques fonctionnelles n’est pas encore réalisée comme il le faudrait, d’immenses progrès ont été accomplis depuis 2005.

Observateurs. Berne va aussi envoyer des observateurs aux élections d’avril 2010, dans le cadre d’une mission de l’Union européenne.

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