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Divisée, la Suisse refuse de responsabiliser ses multinationales

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Une mine et une usine de traitement à Kankoyo, en Zambie, appartenant au géant suisse des matières premières Glencore. Kadir Van Lohuizen / Noor

L'initiative populaire «pour des entreprises responsables» a été rejetée à une majorité des cantons, même si 50,7% des votants ont dit «oui». Le texte voulait obliger les sociétés basées en Suisse à répondre de leurs actes lorsqu'elles ne respectent pas les droits humains et les normes environnementales à l'étranger.

Le sort de l’initiative populaire «pour des entreprises responsables» est scellé. Une majorité des cantons a refusé le texte. Seuls Berne, Zurich, Bâle-Ville, Vaud,  Fribourg, Genève, Neuchâtel, le Tessin et le Jura ont dit «oui» alors que 14,5 cantons s’y sont opposés.

Une majorité des votants ont en revanche soutenu l’initiative, avec un résultat final de 50,7% de bulletins favorables. Toutefois, pour être acceptée, une initiative populaire a besoin de la double majorité du peuple et des cantons.

C’est le canton du Jura qui a le plus largement voté en faveur du texte avec 68,7% de «oui». Le canton le plus fermement opposé est Schwyz avec 68,4% de «non».

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Situation rarissime

Le rejet d’une initiative populaire à la majorité des cantons mais avec le soutien du peuple n’était arrivé qu’une seule fois dans l’histoire de la Confédération: c’était en 1955Lien externe, avec l’initiative sur «la protection des locataires et consommateurs», acceptée par les citoyens à 50,2%, mais balayée par 13 cantons.

Huit référendums ont connu le même sort, dont l’arrêté sur la politique familiale en 2012 et celui sur la naturalisation des jeunes étrangers en 1993.

Trois initiatives populairesLien externe et un référendum ont de leur côté échoué par manque de majorité du peuple, malgré le soutien des cantons, notamment celles contre «la pénalisation du mariage» en 2012 et «les abus dans le droit d’asile» en 2002.

Taux de participation

Les deux initiatives populaires soumises au peuple suisse ce 29 novembre, «pour des entreprises responsables» et «contre le commerce de guerre», n’ont pas mobilisé plus que d’habitude. La participation s’est élevée à quelque 46%, un résultat dans la moyenne.

Responsabiliser les entreprises suisses actives à l’étranger

L’initiative «pour des entreprises responsables» voulait ajouter un article dans la Constitution, afin que l’économie s’engage davantage pour protéger les droits humains et l’environnement. Le texte demandait que les entreprises suisses respectent également à l’étranger les droits de l’homme et les normes environnementales internationales, qu’elles fassent preuve d’une diligence raisonnable afin de prévenir les éventuels dommages et qu’elles s’assurent que les sociétés qu’elles contrôlent respectent ces nouvelles exigences.

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L’initiative a été lancée par des organisations non gouvernementales et des partis de gauche. Le co-président du comité est l’ancien sénateur libéral-radical Dick Marty, qui a acquis une notoriété internationale grâce à ses enquêtes sur les prisons secrètes de la CIA ou en dénonçant le trafic d’organes au Kosovo. La Suisse risque d’être «une nouvelle fois dernière, comme ça a été le cas pour le blanchiment d’argent ou le secret bancaire», a réagi le Tessinois.

>> Déçus par le résultat, les partisans de l’initiative envisagent déjà le dépôt de nouvelles propositions, comme l’explique le député socialiste Baptiste Hurni au micro de la Radio Télévision Suisse (RTS):

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La sénatrice verte Lisa Mazzone a de son côté salué «une mobilisation incroyable». Elle  a estimé que le résultat du vote était aussi un message au Parlement et que la Suisse devra immédiatement embrayer quand l’Union européenne ira de l’avant sur ce sujet. «J’attends du Conseil fédéral qu’il présente dès maintenant la manière dont il prendra le train en route», a-t-elle indiqué à l’Agence télégraphique suisse (ATS).

Un contre-projet prêt à entrer en vigueur

Le gouvernement, le Parlement, les partis de droite et les milieux économiques s’opposaient à l’initiative, car ils craignaient que ses exigences ne soient dommageables pour l’économie suisse. Ils invitaient le peuple à refuser le texte au profit du contre-projet indirect élaboré par le Parlement. Ce changement de loi prévoit d’obliger les entreprises à établir des rapports sur les questions environnementales, des droits humains et de la corruption. Il impose aussi des devoirs de diligence dans le domaine du travail des enfants et des minerais extraits dans des zones de conflits.

Avec le rejet de l’initiative, le contre-projet entrera automatiquement en vigueur si aucun référendum n’est saisi dans un délai de 100 jours. 

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Modéré par: Samuel Jaberg

Les Suisses ont refusé d’imposer des règles éthiques plus strictes à leurs entreprises. Ce résultat vous surprend-il?

3 Commentaires
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La directrice romande d’economiesuisse, Cristina Gaggini, a confié à l’ATS être très soulagée du rejet de l’initiative: «Ce texte faisait peser une incertitude sur l’ensemble du tissu économique suisse, y compris les PME. Elle aurait également détérioré la relation avec d’autres États en s’ingérant dans leur souveraineté.» D’après Cristina Gaggini, le contre-projet est suffisant et cible de manière incisive les problèmes prioritaires.

Pour le président d’economiesuisse Christoph Mäder, le résultat serré du vote ne traduit toutefois pas une perte de confiance dans l’économie. Il souligne que les abus d’entreprises ne concernent que quelques rares cas.

Campagne particulièrement agressive

La campagne a été particulièrement virulente dans un paysage politique suisse habituellement placide et prévisible. Elle a commencé très tôt, il y a plus de deux ans, et elle s’est caractérisée par la distribution massive de banderoles et de drapeaux orange qui ont fleuri sur les façades de toutes les régions du pays.

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Les attaques des deux camps ont atteint une intensité exceptionnelle: les uns se sont fait vilipender pour les photomontages de leurs affiches et la distribution d’articles de journaux sans l’autorisation des médias concernés, les autres se sont fait critiquer pour les moyens importants investis dans la campagne et leurs relations étroites avec le gouvernement du Burkina Fasso. Le ministre burkinabé du Commerce a même fait le déplacement en Suisse pour appeler le peuple à dire «non».

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