Un petit oui qui ne clôt pas le débat sur le service public
Les citoyens ont accepté d'une très courte tête la nouvelle Loi sur la radio et la télévision. La carte des résultats montre un net clivage entre la Suisse alémanique et la Suisse romande.
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Spécialiste de politique fédérale. Précédemment à l'Agence télégraphique suisse et à Radio Fribourg.
Le vote est particulièrement serré. La loi a été acceptée par 50,2% des citoyens et refusée par 49,8%. En nombre de voix, le camp du oui n’a remporté la victoire qu’avec 3996 suffrages d’avance.
La carte des résultats montre un pays très divisé. Pratiquement tous les cantons germanophones, à l’exception de Bâle-Ville et des Grisons, ont refusé la nouvelle loi, tandis que tous les cantons romands, à l’exception du Valais bilingue, l’ont acceptée.
Dans les cantons alémaniques, les opposants se sont souvent imposés avec une majorité inférieure à 55% des voix, alors que dans les cantons romands, le camp des partisans a souvent largement remporté la victoire, avec plus de 60% des voix. Au final, même si les cantons qui ont refusé sont plus nombreux, le nombre total de voix a tranché en faveur de la loi.
Pas vraiment de surprise à l’heure des réactions des uns et des autres. Placé dans le camp des vainqueurs, les partis de la gauche et du centre ainsi que les milieux syndicaux affichent leur satisfaction.
«Le oui à la LRTV est une reconnaissance pour la cohésion nationale et un signe de respect envers les minorités linguistiques», note le Parti socialiste. «Ainsi, le financement de la SSR reposera sur une base durable et celle-ci pourra continuer à remplir demain son mandat de service public dans toutes les régions du pays», relève encore l’Union syndicale suisseLien externe.
A contrario, les partis de droite et les milieux économiques affichent logiquement leur déception. «Le Oui du peuple à l’impôt Billag sur les médias, tributaire du chiffre d’affaires, touchera de plein fouet de nombreuses entreprises de construction et de l’artisanat qui, en dépit de leurs chiffres d’affaires élevés, dégagent souvent de faibles marges», regrette par exemple l’Union suisse des entrepreneursLien externe.
Tout le monde est en revanche d’accord pour dire qu’un débat sur le service public est nécessaire. «Les résultats serrés prouvent qu’une vraie discussion est nécessaire concernant le service public», note le Parti libéral-radical. «Les critiques massives émises contre la SSR durant cette campagne de votation et le résultat serré de la votation exigent une correction du cap», estime l’Union démocratique du centreLien externe (UDC, droite conservatrice).
Même son de cloche du côté de l’Union suisse des arts et métiersLien externe, à l’origine du référendum. «Le résultat serré de la votation sur la révision de la LRTV place le Conseil fédéral face à la nécessité d’agir rapidement. L’USAM demande qu’un débat large et documenté sur le mandat de prestations du service public soit engagé cette année encore.»
Même du côté des défenseurs de la nouvelle loi, on est du même avis. «Le débat sur le service public ne doit pas s’arrêter ici. Dans un pays aux multiples facettes comme le nôtre, les attentes concernant le service public sont très variées», note par exemple le Parti démocrate-chrétienLien externe.
La principale intéressée, la Société suisse de radio-télédiffusionLien externe, reconnaît également qu’«à l’heure de la mutation des médias, la discussion publique sur l’évolution du service public audiovisuel est importante et nécessaire».
A l’issue du scrutin, Doris Leuthard a pour sa part admis que «la discussion autour du service public va sans aucun doute continuer à nous occuper». Mais la ministre en charge des télécommunications a une nouvelle fois rappelé que la révision de la loi ne concernait qu’une modernisation du système de perception de la redevance, «et rien de plus».
Fronde en Suisse alémanique
La nouvelle Loi sur la radio et la télévisionLien externe étendra l’obligation de payer la redevance pour la perception de la radio et de la télévision à tous les ménages et à toutes les entreprises avec un chiffre d’affaires annuel supérieur à 500’000 francs. Actuellement, la redevance est due uniquement par ceux qui disposent d’un appareil de réception. L’extension de la redevance permettra de réduire son montant annuel de 462 à 400 francs.
Pour les partisans de la révision, le nouveau système vise à mieux faire correspondre la loi aux réalités de notre époque. Actuellement, le payement de la redevance radio-télévision est lié à la possession d’un téléviseur ou d’une radio. Celui qui déclare ne pas posséder ces appareils ne paye pas. La nouvelle loi permettra de prendre en compte les nouvelles habitudes de consommation en matière de médias: ordinateurs, smartphones, tablettes.
Les partisans de la modification – le gouvernement et une majorité du Parlement – affirment que, sur le fond, la nouvelle loi ne change rien. La somme globale allouée à la Société suisse de radio-télédiffusion (SSR) reste inchangée.
Le référendum avait été lancé avec succès par l’Union suisse des arts et métiers (USAM). L’organe faîtier des petites et moyennes entreprises dénonçait la création d’un nouvel «impôt médiatique» susceptible de rapidement augmenter au fil des ans.
Cette opposition de l’USAM, soutenue notamment par la droite conservatrice, a trouvé un écho favorable, particulièrement en Suisse alémanique. Du coup, cet objet assez technique s’est transformé en un débat de fond sur le service public.
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Le peuple vote le 14 juin sur la révision de la Loi sur la radio et la télévision. Pour ses détracteurs, cette révision représente un nouvel impôt pour financer la SSR. Pour ses partisans, il s’agit d’une taxation plus juste et plus adaptée aux nouvelles habitudes de consommation.
«Il est judicieux de passer d’un système où l’on taxe l’utilisation d’un récepteur à un système où l’on taxe chaque ménage. De nos jours, en effet, on ne capte plus les émissions uniquement avec des transistors et des télévisions, mais également avec plein d’autres appareils dont nous avons presque tous un exemplaire en poche», déclare le député libéral-radical (PLR / droite) Kurt Fluri, partisan de la révision.
«Avoir la possibilité technique de visionner quelque chose sur sa tablette ou son smartphone ne veut pas dire qu’on va effectivement le faire. Il est purement et simplement injuste que cette redevance se transforme de fait en un nouvel impôt», rétorque le conseiller national démocrate du centre (UDC / droite conservatrice) Roland Büchel, qui s’oppose à la révision.
De quoi s’agit-il? En principe, quiconque veut regarder la télévision ou écouter la radio en Suisse doit payer une redevance. La majeure partie de l’argent récolté revient à la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SRG SSR), dont fait aussi partie swissinfo.ch. En contrepartie, la SSR a un mandat de service public, ce qui signifie qu’elle doit utiliser cet argent aussi dans les zones linguistiques moins peuplées (les zones de langue française, italienne et romanche). La révision ne change rien à ce principe de base.
Règlementation dépassée
Actuellement, les ménages ne possédant pas de radio ou de télévision peuvent être dispensés de la redevance. Billag, la société chargée de la percevoir pour le compte de la Confédération, peut effectuer des contrôles pour déterminer si les ménages qui le doivent passent bel et bien à la caisse. Les resquilleurs payent une amende. Quant aux entreprises, elles doivent aussi payer la redevance, sauf si elles déclarent n’avoir ni radio ni télévision.
Pour le gouvernement et une majorité du Parlement, cette règlementation est dépassée et anachronique. En effet, il y a bien longtemps déjà que les émissions de télévision et de radio peuvent être aussi captées avec un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Le passage à un système où la taxation se fait indépendamment du type d’appareil de réception est donc logique, nécessaire et conforme à l’époque, plaident-ils
Un nouvel impôt?
Le Parlement a accepté la révision de la Loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV) le 26 septembre 2014, par 137 voix contre 99 et 7 abstentions. Cela signifie que tous les ménages et toutes les entreprises devront à l’avenir payer la redevance. Une exemption est toutefois prévue pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 500'000 francs, pour les bénéficiaires de prestations (sociales) complémentaires et pour les personnes résidant dans une maison de retraite. Par ailleurs, les ménages qui peuvent prouver qu’ils n’ont ni radio, ni télévision ni Internet pourront encore être exemptés de redevance pendant cinq ans.
La brochure explicative fait débat
Les explications du Conseil fédéral concernant la redevance radio-tv ne sont pas du goût de l'Union suisse des arts et métiers (USAM). L'association économique, qui fait feu de tout bois depuis des mois contre la généralisation de la taxe, a déposé plainte contre le texte de la brochure explicative du Conseil fédéral.
L'USAM, qui a lancé le référendum contre cette révision de la loi et qui n'accepte entre autres pas que les entreprises continuent d'être assujetties, crie au mensonge. Selon elle, les «indices montrent clairement que la SSR aura besoin à l'avenir de recettes accrues» et que la redevance «atteindra 1000 francs par an et par ménage», a-t-elle indiqué dans un communiqué.
Selon elle, cette information est objective. Pour l'USAM, pas question d'ajouter «selon le comité référendaire» à l'affirmation d'un risque de hausse. La Chancellerie fédérale rejette catégoriquement les accusations de l'association. Elle n'a fait que s'assurer que les citoyens sachent qui est à l'origine de l'estimation sur le développement de la taxe, a-t-elle indiqué à l'ATS.
Source: ATS
Mais l’Union suisse des arts et métiers (USAM) – l’organisation faîtière des PME suisses – a lancé avec succès le référendum, raison pour laquelle le peuple doit se prononcer le 14 juin. Selon l’USAM, l’Etat veut introduire un «nouvel impôt médiatique» avec ce changement de système. «Peu importe si quelqu’un possède un appareil de réception, s’il suit des émissions de radio ou de télévision et même s’il est en mesure d’entendre ou de voir les programmes; tout le monde doit payer ce nouvel impôt forcé», dénonce l’organisation.
Concrètement, l’USAM s’élève contre le fait qu’à l’avenir, les entreprises soumises à la redevance seront enregistrées par le biais du registre des entreprises soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et les ménages par celui du contrôle des habitants. Beaucoup d’entreprises ne payent jusqu’à présent pas la redevance. Avec le changement de système, toutes devront à l’avenir le faire, dénonce l’organisation.
Une vision des choses contestée par les partisans de la révision. Selon eux, 75% des entreprises ne payeront pas la redevance, étant donné qu’il faut un chiffre d’affaires d’au moins 500'000 francs par an pour y être assujetti. Par ailleurs, le changement de système entraîne une répartition plus favorable aux consommateurs, selon eux.
Moins chère
Le changement de système devrait être financièrement neutre. Ce que les entreprises payeront en plus devrait être compensé par une baisse de la redevance pour les ménages, qui passera de 462 francs par an actuellement à environ 400 francs, prévoit le gouvernement.
Les adversaires de la réforme critiquent le fait que la hausse ou la baisse du montant de la redevance reste de la compétence du gouvernement. Ils s’attendent à ce que son prix augmente au cours des prochaines années.
«C’est très clairement un nouvel impôt que l’on nous vend sous son jour le plus favorable en disant qu’il ne coûte que 400 francs. Mais ce n’est écrit nulle part dans la loi. Or l’expérience des années passées montre que le gouvernement a tendance à augmenter les taxes», déclare Roland Büchel.
Les partisans de la réforme rétorquent que l’augmentation durable de la population implique logiquement le maintien d’une redevance basse. «Une redevance n’est pas un impôt. Une redevance doit correspondre aux prestations. Si les revenus augmentent en raison du développement démographique, la redevance doit alors être abaissée», argumente Kurt Fluri.
Double imposition
Cet «impôt forcé» est une «arnaque» et équivaut à une «double imposition», dénonce l’USAM. «Tout le monde devra payer en tant que personne privée. Les entrepreneurs, les dirigeants mais aussi les collaborateurs d’entreprises même modestes seront doublement ponctionnés», critique l’organisation.
Pour la partie adverse, il est «juste et approprié» que les entreprises passent aussi à la caisse. «Si l’on voulait suivre la logique de l’USAM, les entreprises devraient alors être exonérées de tous les impôts, taxes et redevances», relèvent les partisans de la réforme.
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