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«A gauche de la gauche? Certainement pas»

En 1979, Daniel Brélaz signe une première mondiale en devenant le premier élu vert dans un parlement national.

Aujourd’hui syndic de Lausanne, cet écologiste de la première heure évoque les vingt ans des Verts avec Marc-André Miserez.

swissinfo: A leurs débuts, les Verts ont hésité entre s’engager dans les institutions politiques et rester un groupe de pression. Ce débat est-il encore d’actualité?

Daniel Brélaz: Il a existé au tout début, mais dès le moment où vous avez monté une liste électorale, c’est que vous avez décidé de participer aux institutions.

A l’époque, il y avait parmi les Verts des gens qui disaient: «nous sommes là juste pour un moment, pour lancer le débat et obliger les autres partis à faire des propositions sérieuses.»

Or trente ans après, on constate que les autres partis ne sont pas vraiment crédibles en matière d’environnement. Même si certains ont mis un peu de peinture verte sur leur enseigne et s’intéressent de temps en temps à des objectifs précis.

Accessoirement, les Verts s’intéressent maintenant à l’ensemble des thèmes de la société. Ce fameux débat est donc dépassé.

swissinfo: Vous parlez de «peinture verte.» Est-ce à dire que pour vous, les préoccupations écologiques des autres partis ne sont que de la cosmétique?

D.B.: Regardez les résultats des récentes votations fédérales. Que ce soit sur les dimanches sans voiture ou sur le nucléaire, on ne peut pas dire ni des Suisses, ni de leur gouvernement, ni de la grande majorité des partis gouvernementaux qu’ils ont intégré les préoccupations des Verts.

Certes, il y a dans tous les partis des individus qui ont la fibre verte. Chez les Socialistes, l’environnement est un thème relativement fort au niveau national. Davantage d’ailleurs en Suisse alémanique qu’en Suisse romande. Mais dans les cantons et dans les communes, c’est beaucoup moins évident.

De plus, les situations sont très différentes d’un endroit à l’autre. Il existe peut-être des cantons alémaniques où localement, le Parti socialiste est plus intéressé à des thèmes verts que les Verts du coin.

Mais en moyenne nationale, même si leurs mots d’ordre sont proches des nôtres, les actions des Socialistes restent très en retrait par rapport à ce que des gens qui ont la philosophie verte peuvent espérer.

swissinfo: Les Verts ont eu leurs dissidents, surnommés familièrement «pastèques», soit verts à l’extérieur, rouges à l’intérieur. Comment expliquez-vous qu’ils semblent aujourd’hui être rentrés dans le rang?

D. B.: Il y a plusieurs vagues dans l’histoire des Verts. Celle des années septante est née en réponse à des questions très précises, comme les projets autoroutiers à Lausanne ou à Neuchâtel.

Et très vite, on a débordé sur des problèmes d’urbanisme, d’énergie et d’aménagement du territoire. A l’époque le slogan était: «ni gauche, ni droite, mais des résultats.»

La deuxième vague, que l’on voit apparaître à de nombreux endroits, y compris en Allemagne dès 1979-1980, est une vague essentiellement post-soixante-huitarde, qui s’attaque à un certain nombre de problèmes de société et qui découvre les enjeux de l’énergie, du nucléaire, de l’environnement.

Fort différente de la première par ses origines politiques, cette deuxième vague n’a pas pu s’intégrer au mouvement lorsqu’il est devenu Fédération des partis écologistes en 1983.

Mais ces deux courants ont quand même travaillé longtemps ensemble. Et petit à petit, ils ont appris, non seulement à se tolérer, ce qui a toujours été le cas, mais aussi à accepter leurs différences pour mieux collaborer.

Et ensuite est venue la phase fusionnelle, qui a attiré de nouveaux militants. Aujourd’hui, les Verts visent essentiellement la synthèse et ne se préoccupent plus vraiment des origines historiques de chacun. C’est le courant vert de l’avenir.

swissinfo: Si on en revient au slogan des débuts, peut-on encore dire que les Verts ne sont ni à droite ni à gauche? On a plutôt l’impression qu’ils sont souvent à gauche de la gauche…

D. B.: Là encore, la situation est très différente d’un endroit à l’autre. A gauche de la gauche et de l’extrême gauche, certainement pas. A gauche du Parti socialiste, dans un certain nombre de cantons, c’est une vérité.

Par contre, si vous prenez l’exemple du canton de Vaud, nous avons un parti vert qui a des origines multiples, avec notamment une aile libérale humaniste.

Sur certains sujets, il se retrouverait plutôt plus au centre que le Parti socialiste, qui a lui-même toujours voulu marquer les communistes et l’extrême gauche.

Finalement, je dirais qu’au niveau national, les objectifs de la gauche et des Verts sont communs, mais que chacun a une certaine culture et s’exprime dans un certain contexte.

Et n’oublions pas que les classifications sont toujours relatives, puisqu’elles sont faites par rapport au comportement des autres partis. Et là aussi, on rencontre d’énormes différences d’un canton à l’autre.

swissinfo: En 1991, les Verts ont raflé 14 sièges au Parlement fédéral. Aujourd’hui, vous n’êtes plus que 10. Pensez-vous regagner le terrain perdu aux élections de cet automne?

D. B.: Cela ne semble par infaisable a priori. Il est vrai que nous avons perdu du terrain au cours des années 90, et pas seulement au niveau national. Le nombre de sièges verts dans les parlements cantonaux était tombé à 111. Mais depuis quatre ans, nous remontons, avec désormais 133 élus cantonaux.

swissinfo: La Suisse aura-t-elle un jour un ministre vert?

D. B.: «Un jour», cela peut vouloir dire l’éternité… Alors, oui, sûrement. A court terme, par contre, c’est peu probable. Mais sait-on jamais…

swissinfo, interview: Marc-André Miserez

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