Affaire UBS: la Suisse doit tenir ses engagements
L’ambassadeur Michael Ambühl a conclu mardi soir une visite de deux jours à Washington. Selon lui, un éventuel rejet de l’accord UBS par le Parlement suisse aurait des «conséquences graves» pour la Suisse et pour ses relations avec les Etats-Unis.
Lors de sa première visite dans la capitale des Etats-Unis depuis qu’il occupe le poste de secrétaire d’Etat pour les Affaires Fiscales et Financières Internationales, Michael Ambühl a pu mesurer le climat entourant l’affaire UBS.
Ce poste, dépendant du ministère des Finances, est une nouveauté au sein du gouvernement suisse. Un gage de «l’importance que la Suisse assigne à ces dossiers», selon Norbert Bärlocher, porte-parole de l’ambassade à Washington.
Toujours est-il que Michael Ambühl a bouclé un véritable marathon d’entretiens au cours duquel il a rencontré nombre de représentants du Département américain de la justice et de l’autorité fiscale IRS.
La date butoir du 20 août
Lors d’une conférence de presse organisée à l’ambassade de Suisse à la fin de sa visite, Michael Ambühl a indiqué à swissinfo que les responsables américains attachent «une très grande importance» à ce que l’accord UBS soit ratifié par le Parlement suisse.
«Ils souhaitent que la Suisse remplisse ses obligations aux termes de l’accord et donne aux Etats-Unis des informations sur les clients américains d’UBS», selon le secrétaire d’Etat. «Les Américains m’ont dit qu’ils se réservent toutes les options pour réagir au cas où notre parlement rejetterait l’accord.»
Signé par les gouvernements suisse et américain le 19 août dernier, l’accord UBS prévoit en particulier que la Suisse traite avant le 20 août prochain la demande d’entraide administrative des Etats-Unis à propos des 4500 comptes de clients américains ouverts ou clos chez UBS. Ce document doit être soumis pour ratification au Parlement suisse le 7 juin.
Perte de confiance
Mardi soir, Michael Ambühl a prévenu qu’un rejet par les Chambres fédérales «aurait des conséquences graves, politiques, économiques et juridiques pour la Suisse».
Quelles conséquences? «Une perte de confiance dans la Suisse, la mise en danger de la ratification par le Congrès américain du traité de double imposition, une menace de conflit juridique entre la Suisse et les Etats-Unis, et donc une insécurité pour la place financière suisse, et puis, un risque pour l’image de la Suisse, car si le Parlement rejette l’accord UBS, on peut imaginer les titres qu’en feront le New York Times ou le Financial Times, du genre: «Le Parlement suisse protège ceux qui fraudent le fisc»!»
Michael Ambühl reconnaît que ces risques «ne peuvent pas être exactement quantifiés». Mais il souligne que la question est ailleurs. «La question décisive est la suivante: est-ce que cela vaut la peine de protéger des cas de défaillance fiscales très graves de la part de quelques millionnaires américains? Et la réponse est évidemment que ça ne vaut pas la peine pour la Suisse de courir ce risque-là».
A ce stade, le Parlement suisse tend vers le rejet de l’accord UBS. Le Parti socialiste et l’UDC (Union démocratique du centre / droite conservatrice) s’opposent à la ratification, bien que pour des raisons différentes. A Washington, Michael Ambühl juge qu’il est «trop tôt pour faire un pronostic» sur l’issue du vote de juin.
Feuille de route
La semaine dernière, le Conseil fédéral (gouvernement) a présenté sa feuille de route pour limiter à l’avenir les risques posés par les grandes banques telles qu’UBS, en augmentant les exigences en matière de fonds propres, de liquidités et de répartition des risques. Dans un arrêté de planification, il s’est aussi engagé à plafonner les primes des cadres de ces établissements. Mais le gouvernement ne prévoit de soumettre ces mesures au Parlement qu’au printemps 2011, pour une entrée en vigueur en 2012.
Interrogé par swissinfo sur le point de savoir si le Conseil fédéral entend faire plus d’ici juin pour éviter un niet du Parlement, Michael Ambühl affirme que «le gouvernement a clairement expliqué les enjeux au parlement et a aussi clairement déclaré ce qu’il a l’intention de faire en ce qui concerne les primes des banquiers et les banques d’importance systémique, ‘too big to fail’».
«La transparence du gouvernement est totale, il appartient désormais au Parlement d’assumer ses responsabilités», juge Michael Ambühl.
Marie-Christine Bonzom, Washington, swissinfo.ch
Lors de sa visite à Washington, Michael Ambühl a rencontré:
– Doug Shulman, le patron du service américain des Impôts
– John DiCicco, le ministre adjoint de la Justice
– Lael Brainard, le vice-ministre de l’Economie et des Finances chargé des affaires internationales
– Deux conseillers du président Barack Obama: David Lipton, le directeur du conseil national de sécurité pour les questions économiques internationales et Michael Froman, qui représente le chef de la Maison Blanche auprès du G-7, du G-8 et du G-20.
Michael Ambühl est né en 1951 et diplômé de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich.
Il est secrétaire d’Etat chargé des affaires fiscales et financières internationales depuis le 1er mars 2010.
Ce nouveau poste gouvernemental a été créé dans la foulée du scandale UBS, il dépend du Département fédéral des finances.
C’est Michael Ambühl qui, pendant l’été 2009, dirigea les négociations avec les Etats-Unis en vue de l’accord UBS.
L’accord UBS a été signé par les gouvernements suisse et américain le 19 août 2009.
Par cet accord, la Suisse s’engage à livrer des informations sur 4500 comptes détenus chez UBS par des Américains qui ont fraudé leur fisc.
En Suisse, l’accord UBS doit être ratifié par le Parlement.
Un vote est prévu au Parlement suisse le 7 juin.
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