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Ces débats de la session d’automne qui vous intéresseront

L'armée est au centre des préoccupations du Parlement.
Keystone / Anthony Anex

La politique étrangère et la politique de défense seront au cœur des discussions de la session d'automne des Chambres fédérales (9 au 27 septembre). Le Parlement prête de plus en plus attention à l’influence des acteurs étrangers en Suisse. Un aperçu des débats à venir.

Les sujets qui concernent les Suisses de l’étranger

La conseillère nationale Elisabeth Schneider-Schneider (Le Centre) tente une nouvelle fois de trouver une solution en matière d’assurance maladie pour les Suisses qui ont émigré dans des pays non membres de l’UE/AELE. Cette fervente défenseure de la Cinquième Suisse trouve choquant que des expatriés aient cotisé toute leur vie à l’assurance de base, qu’ils n’aient éventuellement jamais bénéficié de prestations et qu’ils doivent ensuite renoncer à leur caisse maladie lorsqu’ils émigrent. Elle souhaite que les Suisses de l’étranger puissent, sur une base volontaire, continuer à bénéficier de l’ancienne assurance de base d’une caisse maladie suisse .

Le Conseil fédéral recommande de rejeter le postulatLien externe. L’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) se prononce en sa faveur. L’OSE argumente qu’avec l’affiliation à une caisse maladie suisse, le système de santé suisse serait déchargé «car les gens ne seraient plus obligés de revenir en Suisse pour des raisons de maladie, mais pourraient se faire soigner dans leur pays de résidence, souvent moins cher».

Les rentes pour enfants sur la sellette

Parallèlement, l’OSE s’oppose à une nouvelle attaque contre les rentes pour enfants. Certaines ont déjà échoué, mais la dernière en dateLien externe, qui provient de la commission sociale du Conseil national, a de bonnes chances d’être acceptée. Ce sont surtout les parlementaires de droite qui s’opposent aux rentes pour enfants. Ils y voient de potentiels abus car ces rentes permettent aux Suisses émigrés d’entretenir les enfants d’une épouse étrangère à l’étranger. Mais la gauche est également sceptique. Cette aide est en effet versée à 90% à des hommes et contribue ainsi à entretenir les structures patriarcales.

La motion actuelle propose de supprimer ces rentes – tout en les compensant par le système des prestations complémentaires. Le Conseil national a déjà adopté la motion. «En cas d’acceptation de la motion, le Conseil fédéral devrait urgemment prendre en compte la situation des parents suisses de l’étranger à faible revenu», demande le lobby de la Cinquième Suisse.

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Suisses discriminés

Au Conseil des États, un projet de loi est remis en question, alors que son adoption ne semblait plus qu’une simple formalité. Il concerne le regroupement familial des Suisses ayant de la famille à l’étranger. Cela toucherait, par exemple, des Suisses de retour au pays qui souhaitent faire venir leurs beaux-parents d’un État tiers en Suisse. 

Les citoyens et citoyennes de l’Union européenne (UE) ont aujourd’hui plus de droits à cet égard que les Suisses. Il s’agit d’une discrimination envers les ressortissante et ressortissants helvétiques: une intervention parlementaireLien externe visait à la supprimer. Le Conseil national avait clairement accepté la modification de la loi lors de la session d’été. Au Conseil des États, le projet est désormais de nouveau en suspens, car la commission compétente recommande de rejeter le texte. Les effets de la loi, en termes d’immigration supplémentaire, ne seraient pas suffisamment clairs.

En revanche, la loi sur l’identité électronique (e-ID) reste sur la bonne voie. Le projet de loiLien externe du Conseil fédéral a passé le cap du Conseil national au printemps avec une large majorité (175 oui, 12 non). Il est désormais soumis au Conseil des États: la commission chargée de l’examen préalable recommande également le oui. 

Trois ans après l’échec d’un premier projet, l’e-ID pourrait donc être introduite en 2026. Pour les Suisses résidant à l’étranger, cela faciliterait les démarches administratives et potentiellement les opérations bancaires. Selon l’Organisation des Suisses de l’étranger SwissCommunity, une e-ID efficace est une condition préalable à la mise en place d’un système de vote électronique généralisé en Suisse.

Le Conseil national se prononcera en outre sur une convention de double imposition actualisée avec la Serbie. 

Suisse – Union européenne

Les négociations sur les futures relations entre Berne et Bruxelles sont en cours. Peu d’informations sont divulguées. Pourtant, les politiques ont travaillé sur leurs positions durant l’été.

Si l’UDC rejette le mandat de négociation de l’UE adopté par le Conseil fédéral, le président du Centre Gerhard Pfister a pour sa part demandé, dans des interviewsLien externe, des mesures pour gérer l’immigration. Au Parlement, le président du PLR Thierry Burkart souhaite désormais plus de clarté concernant les implications pour la Suisse de la reprise dynamique du droit européen. 

Prises de position sur l'UE: le chef du Centre Gerhard Pfister (à droite) en discussion avec des membres du groupe parlementaire du PS.
Prises de position sur l’UE: le chef du Centre Gerhard Pfister (à droite) en discussion avec des membres du groupe parlementaire du PS. Keystone / Alessandro Della Valle

La pression sur le Conseil fédéral vient également de quatre cantons qui ont chacun déposé une initiative identiqueLien externe. Vaud, le Tessin, le Jura et Fribourg invitent les autorités fédérales «à arrêter dans les meilleurs délais les dispositions législatives nécessaires pour que la Suisse puisse continuer à participer en tant que pays tiers associé au programme de recherche de l’Union Européenne Horizon Europe».

La marge de manœuvre du Conseil fédéral en la matière reste limitée. L’UE a fait de la participation de la Suisse à cet important fonds de recherche un levier de négociation. 

«La Suisse veut stabiliser et développer ses relations avec l’UE», affirme-t-elle dans la stratégie de politique extérieure 2024-2027Lien externe adoptée par le Conseil fédéral. Le texte sera présenté aux deux Chambres lors de la session d’automne. 

Politique extérieure de la Suisse

La stratégie de coopération internationale 2025-2028Lien externe devrait faire l’objet de débats plus animés que celle de politique extérieure. Le Conseil fédéral entend débloquer 5 milliards de francs en soutien à la reconstruction de l’Ukraine d’ici à 2036. Une première enveloppe de 1,5 milliard de francs à l’horizon 2028 doit provenir du budget de la coopération internationale, qui dispose de 11,3 milliards pour la période 2025-2028. Le projet a provoqué de vives réactions. 

Mais ce n’est pas le seul point qui suscite des oppositions. Le plan de soutien doit également bénéficier aux entreprises suisses: elles doivent contribuer à la reconstruction en Ukraine. Lors de la préparation du dossier, la commission de politique extérieure du Conseil des États a soulevé des points d’interrogation concernant cette «préférence accordée à l’économie privée suisse». Aucune recommandation n’a toutefois été émise. Swissinfo.ch a réalisé une interview à ce sujet avec la directrice du Secrétariat d’État à l’économie, Helene Budliger Artieda.

En outre, deux interventions déposées au printemps au Conseil national concernent la guerre à Gaza et le futur des contributions suisses à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). L’une entend les suspendre immédiatementLien externe, l’autre veut les réaffecter à l’aide humanitaire d’urgenceLien externe.

Le Conseil national pourrait reconnaître, via une déclaration, l’Holodomor comme acte de génocideLien externe. Ce terme fait référence à la grande famine provoquée par l’URSS en 1932, qui a coûté la vie à six millions de personnes en Ukraine et au Kazakhstan. 

Au Conseil des États, les sénatrices et sénateurs discuteront de la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Le parti du Centre demande à la Suisse d’accroître ses efforts en faveur de l’Ukraine dans le domaine non militaireLien externe.  

Une motion des Vert’libéraux demandant d’examiner de plus près les compensations de CO₂ achetées par la Suisse à l’étranger sera également soumise au Conseil des États. La Suisse compense 50 millions de tonnes d’émissions de CO₂ dans d’autres pays. Mais cela pourrait inciter ces derniers à négliger leurs propres objectifs climatiques. Ainsi, «la politique climatique suisse péjorerait la réalisation des objectifs mondiaux», pointe le texteLien externe.

Activités étrangères en Suisse

Les activités des acteurs étrangers en Suisse suscitent de plus en plus de débats. À ce propos, la loi fédérale sur l’examen des investissements étrangersLien externe sera soumise au Conseil national. Avec cette loi, le Conseil fédéral veut empêcher les rachats d’entreprises nationales par des sources étrangères si elles mettent en danger ou menacent les intérêts de la Suisse. Cela concerne des secteurs tels que l’armement, les télécommunications, l’énergie, l’eau ou les transports. 

Une motion Lien externede la gauche vient accompagner ce texte. Elle demande que les centrales électriques, les équipements hydrauliques et les réseaux de gaz ne puissent pas être achetés par des personnes à l’étranger. 

Une station-service Socar: que fait l'Azarbeidjan avec les devises provenant de Suisse?
Une station-service Socar: que fait l’Azarbeidjan avec les devises provenant de Suisse? Keystone / Christian Beutler

Le réseau de stations-service de la société pétrolière nationale d’Azerbaïdjan, Socar, est également dans le collimateur du Parlement. À travers ce réseau, l’Azerbaïdjan distribue ses produits pétroliers dans quelque 200 stations-service en Suisse. Une initiative parlementaireLien externe entend «empêcher que des entreprises suisses sous domination étrangère financent des guerres». «En tant qu’État neutre, la Suisse a tout intérêt à ne pas participer au financement des appareils militaires d’États qui ne respectent pas la Charte des Nations Unies», relève le texte.

La Commission de la politique de sécurité du Conseil national souhaite examiner de plus près les lieux de culte islamiques en Suisse s’ils sont financés depuis l’étranger. Le postulatLien externe est motivé par une offensive de l’autorité religieuse turque Diyanet. Celle-ci finance des mosquées à travers le monde et impose aux prédicateurs qui y interviennent une ligne islamiste et nationaliste turque. 

Politique intérieure: guerre autour de la répartition des deniers publics

La grande bataille de la session d’automne se déroulera principalement sur le plan de la politique intérieure, en particulier autour de l’armée. Le budget de la Confédération reste soumis à une forte pression et présente un déficit structurel. Si l’ensemble des partis s’accordent à dire que la capacité de défense de la Suisse doit être améliorée, cela ne suffira sans doute pas à faire passer le message sur l’armée 2024Lien externe.  

Le Conseil des États a soutenu une hausse des dépenses militaires de 4 milliards de francs lors de la session d’été. Parallèlement, il entend couper à hauteur de 50% celles de la coopération internationale. Le Conseil national doit encore se prononcer. La commission chargée de l’examen préalable a certes approuvé l’augmentation prévue, mais a proposé un autre mode de financement, passant par les cantons. Des divergences seront inévitables.

Au Conseil des États, l’idée d’ajouter un «pour cent de sécurité»Lien externe temporaire à la TVA pour le financement transitoire de l’armée est en discussion. Un débat axé sur les valeurs s’annonce, dans lequel la question de la neutralité ne manquera pas d’être soulevée. Une motion de la Commission de la politique de sécurité du Conseil nationalLien externe demande de refuser la participation aux exercices d’alliance de l’OTAN. 

La situation financière s’est certes légèrement détendue. L’assurance-vieillesse et survivants (AVS) est en meilleure santé que prévu: en raison d’une erreur de calcul, les perspectives financières sont un peu plus positives. Mais cela suscite de nouvelles convoitises et, parfois, un esprit de confrontation.

La session d’automne des Chambres fédérales à Berne se tiendra du 9 au 27 septembre. Nous rendrons compte des débats.

Relu et vérifié par Samuel Jaberg, traduit de l’allemand par Zélie Schaller/rem

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