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Les femmes suisses se donnent la main

Au lendemain de l’élection du 10 décembre, elles étaient des milliers à protester dans la rue. Keystone Archive

Deux mois après l’échec des candidatures féminines au gouvernement, les femmes suisses s’insurgent contre leur sous-représentation en politique.

Des élues et des cadres de sept partis nationaux – de droite et de gauche – préparent un nouveau congrès national pour 2005.

«La manière dont Ruth Metzler et Christine Beerli ont été sacrifiées le 10 décembre m’a choquée. Ce n’était pas une question de compétences. Le fait qu’elles soient des femmes a joué un rôle très important».

La dernière élection du gouvernement aura donc suffi pour convertir Barbara Perriard au féminisme. Jusqu’ici pourtant, cette cause n’avait guère ému la porte-parole des femmes radicales suisses.

Mercredi soir, Barbara Perriard était au nombre des politiciennes réunies à Berne pour lancer l’idée d’un futur congrès des femmes, qui serait le sixième de l’histoire du pays.

Elles étaient onze: deux pour chacun des quatre partis gouvernementaux, ainsi qu’une représentante des Verts, une des Libéraux (droite) et une de l’UDF (droite protestante).

Le nouveau féminisme de droite

Jusqu’ici apanage presque exclusif de la mouvance rose-verte, le féminisme devient donc également un combat des femmes de droite.

«Nous n’avons plus peur du mot, confirme Barbara Perriard. Pour ma part, il ne s’agit pas d’un engagement contre les hommes, mais bien plutôt pour les femmes.»

Un ralliement qui réjouit fortement Kathrin Scheidegger-Ogi, également présente mercredi soir à la réunion de Berne.

«Dans les partis de gauche, nous n’avons pas, ou beaucoup moins de problèmes de représentation féminine que dans les partis bourgeois», estime la secrétaire générale adjointe du Parti socialiste.

«Mais nous avons dû nous battre longtemps pour y arriver. Et il est bon de pouvoir raconter à nos collègues comment nous nous y sommes pris», ajoute Kathrin Scheidegger-Ogi.

Pour elle, en outre, il est utile de montrer que les femmes «peuvent travailler en commun, par-dessus les différences partisanes».

L’égalité est encore loin

Trente ans après l’introduction du suffrage féminin, vingt ans après l’inscription du principe d’égalité dans sa constitution, la Suisse a encore bien du chemin à faire sur la voie de l’égalité entre hommes et femmes.

«L’égalité n’est que formelle, et pas matérielle, constate Barbara Perriard. Aujourd’hui, les inégalités sont bien plus subtiles qu’à l’époque des grandes luttes féministes, que les femmes de ma génération n’ont pas connues».

«L’image de la femme est encore celle de la mère et de la femme au foyer, renchérit Kathrin Scheidegger-Ogi. Quand la situation économique devient mauvaise, on assiste à un retour des valeurs du passé. Et c’est le cas en ce moment».

Presque deux ans de préparation

Pour l’heure, la date du congrès n’a pas été formellement fixée. Il est prévu pour 2005 et Barbara Perriard le verrait bien se tenir à la date-symbole du 10 décembre.

En attendant, les femmes vont se mobiliser sur des objets concrets, comme la prochaine votation sur l’assurance maternité, prévue en octobre.

L’organisation du congrès lui-même ne sera pas une mince affaire. Un groupe de travail va être constitué afin de réfléchir à des revendications concrètes.

Pour ou contre les quotas

Le 12 mars 2000, 82% du peuple suisse avait rejeté sans appel une initiative populaire demandant l’introduction de quotas de femmes dans les diverses instances politiques du pays.

Malgré cela, les Socialistes restent très attachés à l’idée et viennent de déposer une proposition dans ce sens au parlement.

Pour Barbara Perriard, la question n’est plus un tabou. «Il faut évaluer les expériences faites à l’étranger. Et pas seulement dans le domaine politique, mais aussi dans le monde de l’économie», estime la porte-parole des femmes radicales.

Plus prudente, Thérèse Meyer, députée démocrate-chrétienne, craint que «si l’on impose des femmes par le système des quotas, on aura des élus de deux catégories. Et cela se ressentira sur le travail du parlement ou du gouvernement».

Un nouveau ton à trouver

Finalement, Regula Stämpfli, prédit qu’un congrès ne suffira pas. «Il faut plutôt un mouvement des femmes engagées, qui empoigne aussi les thèmes difficiles comme la pornographie ou le sexisme dans la pub».

«Et ceci pas sur le ton pleurnichard de la bonne maman, mais avec des campagnes bien ciblées, comme certaines ONG savent les faire», ajoute la politologue bernoise.

Avant de conclure qu’«en occupant des postes importants dans l’économie, les médias et l’administration, les femmes obtiendront bien plus de choses que sur le terrain politique».

swissinfo

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– Cinq congrès ont déjà jalonné l’histoire du mouvement féministe suisse depuis la fin du 19e siècle:

– En 1896, les pionnières se réunissent à Genève en «Congrès pour les intérêts de la femme». Les revendications portent surtout sur la formation et sur l’accès au monde du travail.

– En 1921 à Berne, les revendications portent d’abord sur le droit de vote et d’éligibilité, qui ne sera accordé aux femmes au plan fédéral que 50 ans plus tard!

– En 1946 à Zurich, les paysannes, les femmes socialistes et les femmes catholique participent pour la première fois au congrès. On y parle surtout de maintien de la paix et de cohésion nationale.

– En 1975 à Berne, les femmes lancent deux idées: une initiative pour l’égalité qui aboutira à l’article constitutionnel de 1981 et la création d’un organe fédéral chargé des questions féminines, qui verra le jour en 1988.

– En 1996, le 5e congrès a de nouveau lieu à Berne. Sous le slogan «L’avenir féminin», il adopte 75 résolutions, notamment pour l’assurance maternité, le flexibilité des retraites ou une répartition plus juste du travail payé et non payé.

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