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Les inconnues de l’élection d’Ueli Maurer

L'élection à la succession de Samuel Schmid s'est déroulée sans surprise. Comme prévu, avec Ueli Maurer, l'aile dure de l'Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) fait son retour au gouvernement. Une situation qui pourrait à nouveau provoquer les crispations de l'ère Blocher. Analyse.

Malgré quelques péripéties et un zeste de suspense lors des premiers tours, l’élection d’Ueli Maurer était relativement attendue. En effet, hormis la gauche, les grands partis du centre et de la droite avaient déclaré que le retour de l’UDC au gouvernement était conforme à l’application mathématique de la formule magique. Ce parti, première formation politique du pays en nombre d’électeurs, ne pouvait logiquement pas être écarté plus longtemps du pouvoir.

Le Parti radical (PRD / droite) et le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) ayant ouvertement apporté leur soutien au candidat officiel de l’UDC, l’issue du vote est somme toute logique. A cette nuance près qu’une partie des PDC semblaient réfractaires au candidat Maurer. La gauche, pour sa part, toujours hostile à un retour de la droite nationaliste au gouvernement, ne disposait pas à elle seule du poids suffisant pour infléchir la décision.

Une question difficile

De facto, le gouvernement se retrouve désormais dans la même situation qu’il y a un an, juste avant la non réélection du ministre de la Justice Christoph Blocher, c’est-à-dire avec un représentant de l’aile la plus dure de l’UDC en son sein.

La chute de Christoph Blocher avait été – notamment – causée par son manque de collégialité. Le chef de file de l’UDC était critiqué pour ne pas s’être montré suffisamment solidaire avec ses collègues du gouvernement, rompant ainsi avec une tradition politique suisse basée sur le principe du consensus.

Reste à voir maintenant si cette situation ne va pas recommencer avec Ueli Maurer. Pour l’heure, il est bien difficile de répondre à cette question.

Récemment, de nombreuses voix ont rappelé que le nouveau ministre, fidèle parmi les fidèles, était la copie presque conforme de Christoph Blocher. Ueli Maurer s’est notamment fait connaître pour ses positions intransigeantes, voire même pour son dogmatisme.

Mais d’autres voix, à commencer par celle de l’intéressé lui-même, ont en revanche souligné qu’il pouvait aussi être un homme ouvert au dialogue et susceptible de parvenir à des compromis.

Une bonne stratégie?

Cette élection suscite une autre grande question, celle du succès électoral des différents partis. En effet, avec son retour au gouvernement, l’UDC pourrait bien parvenir à retourner une situation qui a récemment commencé à lui devenir défavorable.

Jusqu’en décembre 2007, tout semblait réussir à l’UDC. Le parti parvenait alors à jouer sur deux tableaux: en menant une politique agressive – démagogique diront certains – dans les dossiers clefs de l’intégration européenne et de l’immigration et en bénéficiant de la publicité faite autour de l’action de Christoph Blocher au gouvernement.

Cette politique s’est avérée être un succès, comme l’ont montré les résultats des élections fédérales de 2007. Les autres partis, laminés par les gains électoraux de l’UDC, ont cependant réagi en ne réélisant pas Christoph Blocher au gouvernement. Et là aussi, cette stratégie s’est révélée gagnante.

Après l’éviction de son leader, l’UDC s’est rapidement empêtrée dans des luttes fratricides et pathétiques, notamment avec l’exclusion de la nouvelle ministre Eveline Widmer-Schlumpf de ses rangs. En proie aux dissensions, la droite nationaliste a alors commencé à subir des revers électoraux, par exemple lors d’élections dans le canton de Schaffhouse.

Il convient maintenant de voir si la présence d’Ueli Maurer au gouvernement parviendra à redonner une nouvelle dynamique à l’UDC. Pour les partis du centre et de la droite, ce sera également l’occasion de déterminer s’ils ont opté pour une bonne stratégie ou si, au contraire, ils ont eux-mêmes tissé la corde pour se pendre.

Un département difficile

L’élection d’Ueli Maurer pose donc beaucoup de questions sans réponses. Mais deux choses semblent cependant assez sûres. La première, c’est que le nouveau ministre de la Défense doit reprendre un département en difficulté.

La fin de règne de Samuel Schmid s’est caractérisée par un certain nombre d’accidents et d’affaires, le principal de ces problèmes restant la démission du chef de l’armée Roland Nef. Le nouveau ministre devra donc y remettre bon ordre.

Par ailleurs, la situation reste toujours assez floue concernant la mission réelle de l’armée et les moyens qui sont mis à sa disposition pour les accomplir (l’achat d’un nouvel avion de chasse fait notamment débat). Le nouveau chef du département devra donc établir des objectifs clairs et montrer suffisamment de sens politique pour les réaliser.

La seconde chose de sûr, c’est qu’avec Ueli Maurer, le gouvernement vire un peu plus à droite. L’homme est connu pour ses positions conservatrices et pour sa rigueur en matière de budgets.

swissinfo, Olivier Pauchard

L’Union démocratique du centre (UDC) se situe à droite du paysage politique suisse.

Née en 1971 de la fusion de deux partis défendant les intérêts des paysans et des artisans, elle a connu une progression fulgurante depuis le début des années 90.

Prônant une politique économique libérale, une coopération limitée avec l’Union européenne (UE) et un durcissement envers les étrangers et les réfugiés, l’UDC est devenue le premier parti du pays.

En 2003, elle a obtenu un second siège au gouvernement avec l’arrivée de son ténor Christoph Blocher. Ce dernier a été remplacé, sans l’aval du parti, par Evelin Widmer-Schlumpf en décembre 2007.

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