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Une année 2008 insolite pour le gouvernement

Keystone

Le gouvernement a vécu une année 2008 assez spéciale. Contrairement à la tradition, le principal parti de Suisse n'y a plus été représenté pendant douze mois. La situation est revenue partiellement à la «normale» en fin d'année avec l'élection d'Ueli Maurer, mais 2009 pourrait réserver des surprises.

Depuis plus de 50 ans, la répartition des sièges gouvernementaux est régie par une formule arithmétique. Cette «formule magique» veut que les sept sièges soient répartis proportionnellement à la force des régions linguistiques et des principales formations politiques.

En application de cette formule, l’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) – premier parti du pays avec un peu plus de 30% des voix lors des élections fédérales de l’automne 2007 – a droit à deux des sept sièges. Le parti a toutefois décidé de faire une cure d’opposition de presque un an.

Un nouveau parti

Tout à en fait commencé début décembre 2007, lorsque le Parlement a refusé de confirmer Christoph Blocher, figure de proue de l’UDC, a son poste de ministre de la Justice. A sa place, les parlementaires ont préféré élire la Grisonne Eveline Widmer-Schlumpf, représentante d’une aile plus modérée de l’UDC.

Face à ce véritable camouflet, l’UDC a annoncé sa volonté de mener une politique d’opposition et de défendre ses positions de manière beaucoup plus tranchée. Le parti national a par ailleurs demandé à Eveline Widmer-Schlumpf – entrée en fonction au 1er janvier – de se retirer du gouvernement, ce qu’elle a refusé.

L’UDC a alors exclu la nouvelle ministre de ses rangs et, avec elle, l’ensemble de la section grisonne. Cette situation a donné lieu a un véritable déchirement au sein du parti, déchirement qui a finalement abouti à la création d’un nouveau parti: le Parti bourgeois démocratique (PAD).

Ce fut ensuite au tour du ministre Samuel Schmid, depuis longtemps en délicatesse avec l’aile dure de l’UDC, de jeter l’éponge. Peu après sa collègue, le ministre de la Défense annonçait à son tour quitter l’UDC pour rejoindre le nouveau parti.

Ces rebondissements ont donné lieu à une situation totalement inédite. D’une part, le plus grand parti du pays n’était plus représenté au gouvernement. D’autre part, le gouvernement comptait désormais deux ministres ne bénéficiant pas de l’appui ni d’un parti gouvernemental ni d’un groupe parlementaire conséquent.

Départ du maillon faible

Cette situation aurait pu continuer plusieurs mois encore. Mais les cartes ont finalement été redistribuées avec la démission de celui qui faisait figure de «maillon faible» du gouvernement: Samuel Schmid. En effet, 2008 aura véritablement été l’«annus horribilis» du ministre de la Défense.

Cette année a été marquée par plusieurs problèmes au sein de l’armée, avec notamment un accident mortel (drame de la Kander), qui avait dévoilé des manquements dans le processus de sélection des officiers, ainsi qu’une polémique soulevée par des incidents survenus lors de gardes armées. Mais pour Samuel Schmid, le coup de grâce fut la démission forcée de Roland Nef.

La presse a en effet révélé que le nouveau commandant de l’armée suisse avait été poursuivi pour harcèlement envers son ancienne compagne. Il s’est avéré que Samuel Schmid était au courant, mais qu’il n’en avait pas informé ses collègues du gouvernement au moment du choix de Roland Nef à la tête de l’armée.

Samuel Schmid a bu la coupe jusqu’à la lie lorsque le Parlement – grâce à une alliance entre socialiste et démocrate du centre – lui a fait l’affront de refuser le Programme d’armement. Critiqué de toute part, sans soutien, atteint dans sa santé, le ministre a finalement tiré la conclusion qui s’imposait en démissionnant.

Retour de la droite nationaliste

Ce départ a permis à l’UDC de revenir au pouvoir. Pour remplacer Samuel Schmid, le parti a présenté un double ticket formé de l’ancien ministre Christoph Blocher et d’Ueli Maurer, son fidèle lieutenant. Le Parlement ayant d’emblée rejeté l’idée d’un retour de Christoph Blocher, toute la question était donc de savoir si la droite nationaliste pouvait réintégrer l’exécutif en la personne d’Ueli Maurer.

Finalement, optant pour la poursuite du système de concordance et l’application de la «formule magique», une majorité des parlementaires a élu Ueli Maurer. Mais l’élection a été très serrée, puisque le candidat officiel du parti n’ayant finalement été choisi que par une voix d’avance sur un candidat non officiel de l’aile modérée qui avait les faveurs de la gauche.

Dès le 1er janvier, Ueli Maurer reprendra la direction du ministère de la Défense. Reste à voir s’il saura faire preuve de collégialité envers ses collègues ou s’il suivra une politique de confrontation qui avait coûté sa place à Christoph Blocher.

Encore des changements possibles

L’année 2009 pourrait encore voir quelques bouleversements au gouvernement. En effet, trois des sept ministres sont susceptibles de quitter leur poste.

Deux d’entre eux – le socialiste Moritz Leuenberger et le radical (PRD / droite) Pascal Couchepin – sont en fonction depuis respectivement 13 et 10 ans. Beaucoup d’observateurs de la politique fédérale s’attendent donc à leur démission. Les deux hommes pourraient toutefois attendre l’année électorale de 2011, un changement de ministre donnant beaucoup de visibilité à un parti.

Quant à Hans-Rudolf Merz, il a clairement indiqué qu’il se retirerait en 2011, à l’issue de son premier mandat. Mais le ministre des Finances a subi une grave opération cardiaque à l’automne 2008. Il est rapidement revenu aux affaires, mais n’est pas à l’abri de problèmes de santé.

Quoi qu’il en soit, s’ils survenaient, ces retraits pourraient provoquer une vive bataille pour la répartition des fauteuils ministériels. L’UDC revendique son deuxième siège. Etant donné qu’Eveline Widmer-Schlumpf n’en est qu’au début de son mandat, la droite nationaliste a déclaré viser un siège socialiste. Mais il s’agit surtout de rhétorique; la répartition des forces au Parlement rend un tel scénario pratiquement impossible.

En revanche, les visées du Parti démocrate-chrétien (PDC / centre droit) sur un des deux sièges radicaux sont beaucoup plus crédibles. Les démocrates-chrétiens souhaitent récupérer le siège perdu en 2003 avec l’éviction de Ruth Metzler. Or l’un des sièges radicaux est à leur portée.

Les deux partis sont en effet au coude-à-coude. Les radicaux comptent un léger avantage en termes de voix, mais le PDC compte un groupe parlementaire plus important sous la coupole. Par ailleurs, les démocrates-chrétiens pourraient obtenir une majorité au Parlement en cas d’alliance avec la gauche.

De nouvelles démissions au gouvernement pourraient donc engendrer de belles batailles. Reste maintenant à voir si celles-ci auront bel et bien lieu en 2009.

swissinfo, Olivier Pauchard

1er janvier: la démocrate du centre Eveline Widmer-Schlumpf entre en fonction en tant que ministre de la Justice et Police. Elle remplace son collègue de parti Christoph Blocher qui n’a pas été réélu par le Parlement trois semaines auparavant.

4 avril: le comité central de l’UDC confirme le processus d’exclusion à l’encontre d’Eveline Widmer-Schlumpf, accusée de «trahison» envers le parti.

1er juin: Eveline Widmer-Schlumpf et la section grisonne sont exclues de l’UDC.

13 juillet: la presse dominicale livre de premières révélations sur ce qui deviendra l’«affaire Roland Nef».

25 juillet: suspendu cinq jours auparavant, le chef de l’armée Roland Nef annonce sa démission.

20 septembre: le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz est frappé d’un malaise cardiaque et sombre dans le coma. Il subit un quintuple pontage coronarien à l’hôpital de l’Ile à Berne.

24 septembre: la Chambre basse du Parlement refuse le Programme d’armement défendu par Samuel Schmid.

1er novembre: création officielle du nouveau Parti bourgeois démocratique.

7 novembre: le ministre de la Défense Samuel Schmid subit une opération de la vésicule biliaire.

3 novembre: Hans-Rudolf Merz reprend ses fonctions.

12 novembre: Samuel Schmid annonce sa démission pour la fin de l’année.

10 décembre: le Parlement élit l’UDC Ueli Maurer au gouvernement.

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