Les avalanches, entre technologie et instinct
La sécurité dans la neige dépend de nombreux critères. Les avancées technologiques sont-elles plus importantes que l'intuition? Combien de temps peut-on survivre sous une avalanche? Un congrès à Davos s'est penché sur ces questions, et sur bien d'autres.
Le premier «International Snow Science Workshop» (ISSW) organisé en Europe s’est tenu à Davos. Plus de 500 spécialistes avaient répondu à l’invitation de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches (SLF) et de la société Science City Davos.
Considérée comme la plus importante dans son domaine, cette rencontre de cinq jours avait jusqu’ici toujours été organisée en Amérique du Nord. «L’idée est de réunir les plus grands spécialistes du «snowbiz» pour des échanges entre la théorie et la pratique», explique Jürg Schweizer, co-président de la conférence et membre du SLF.
L’institut de Davos est un des plus anciens et des plus importants au monde pour l’étude de la neige. La station grisonne était donc un choix tout trouvé pour l’organisation de la première européenne de l’ISSW.
Des guides de haute montagne, des responsables de la sécurité, des ingénieurs et des chercheurs ont abordé différents aspects liés à l’étude des avalanches. «Tout ce qui existe en matière de mesures de protection est réuni ici, explique Jürg Schweizer. Il suffit de regarder par la fenêtre pour voir les barrières installées sur la montagne: Davos est en soi une sorte de parc à avalanches!»
Le congrès se tenant en Europe, les organisateurs ont tout naturellement mis l’accent sur la protection de la population et la gestion des risques, car les Alpes sont plus densément peuplées que les montagnes américaines. Rien qu’en Suisse, les avalanches tuent près de 20 personnes chaque année.
L’homme de fer
La technologie permet notamment d’augmenter la perception des risques, ont relevé plusieurs délégués. Ainsi, un petit capteur de fabrication espagnole, une fois lancé dans une avalanche, permet d’en mesurer le mouvement et les forces qu’elle produit.
Mike Jenkins, de la Utah State University (Etats-Unis) a, de son côté, mesuré l’impact d’une avalanche sur les humains. Il a développé un robot, «Iron Man» (l’homme de fer), qui a récemment été la star d’un documentaire de la chaîne du National Geographic.
«Dans le film, vous voyez que le robot, pris dans une avalanche, tourne sur lui-même onze fois, deux fois par seconde, et atteint une vitesse de 40 km/h, pour finir enterré à 30 centimètres de profondeur», explique Mike Jenkins.
L’expérience Iron Man a été menée avec une coulée de relativement faible importance, typique de ce que les êtres humains subissent dans les arrière-pays enneigés. Mike Jenkins veut poursuivre ses recherches. Mais son message est clair: «Ne vous laissez pas prendre dans une avalanche».
«Ne pensez pas que le matériel de secours existant, tel que les «air bags» ou les balises, vont vous sauver. Une avalanche est toujours quelque chose de très violent. Si vous survivez, vous serez probablement gravement blessé», affirme le chercheur.
L’instinct
Mais tout le monde ne mise pas sur la technologie. Un atelier de discussion sur l’intuition a révélé l’existence de deux écoles de pensée. Certains estiment que l’instinct fait prendre de mauvaises décisions, tandis que les autres y voient un facteur essentiel, surtout lorsqu’il se fonde sur une longue expérience.
Jan Mersch, guide de montagne et psychologue, a analysé les réactions de guides expérimentés dans des situations d’avalanche. L’Allemand voulait voir si leurs actions correspondaient à un «processus décisionnel basé sur la reconnaissance» qui explique le rôle de l’expérience dans le développement de l’intuition.
«Les décisions que ces guides ont prises et qui étaient basées sur leur intuition étaient bonnes et responsables», a expliqué Jan Mersch.
Les guides essayent de réagir à des modèles ou à des faits qu’ils reconnaissent, comme le vent qui fait geler les larmes ou les sensations ressenties en marchant sur la neige. Selon Jan Mersch, il serait intéressant de savoir ce que produit cette reconnaissance pour aider les débutants à détecter le danger.
Même les pays sans neige…
Toutes les grandes nations de la neige étaient représentées à la conférence, y compris le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Japon. Avec des débats et des illustrations sur les scénarios, les prévisions et la sécurité.
Du coup, on pouvait s’étonner d’y voir un pays sans montagnes, comme les Pays-Bas, qui proposent des conseils aux Néerlandais amoureux de la neige – un million d’entre eux vont chaque année dans les Alpes. Mais comment le Centre hollandais de sécurité de la neige peut-il travailler dans un pays aussi plat?
«Nous utilisons nos plages où nous avons les mêmes conditions de vent que dans la neige», explique Rolf Westerhof, chercheur du Centre, qui organise aussi des cours de formation. Comme quoi tous les pays ont leur petit morceau de «snowbusiness».
Isobel Leybold-Johnson, Davos, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)
La conférence «ISSW» (International Snow Science Workshop), la plus importante des conférences sur la neige et les avalanches, s’est tenue du 27 septembre au 2 octobre 2009 à Davos. Elle avait lieu pour la première fois en Europe.
Elle a attiré quelque 500 experts (guides de montagne, secouristes, ingénieurs et chercheurs) en provenance de 24 pays.
Le colloque s’est penché sur la valeur économique d’un bulletin d’avalanche, tel ceux préparés par le SLF.
Ces bulletins sont gratuits, mais une étude a montré que les gens seraient prêts à payer entre 40 et 45 francs par an pour un service amélioré, a expliqué Christoph Rheinberger, qui a présenté cette analyse.
Le bulletin devrait rester gratuit pour l’instant. Sans lui, la moyenne annuelle de 20 victimes d’avalanches doublerait. En revanche, des applications pour le iPhone pourraient être payantes.
La rencontre a aussi permis de découvrir une expérience consistant à récolter des informations environnementales et à les mettre à disposition des scientifiques pour des prévisions sur les amas de neige selon les conditions de vent.
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