Craintes et espoirs autour des cellules souches
Les citoyens doivent se prononcer sur une loi réglant le problème de l’utilisation des cellules souches. Mais même munie de nombreux garde-fous, elle suscite de l’opposition.
La crainte de dérives et la protection de la vie motivent les adversaires qui ont obtenu le référendum.
La loi (Loi fédérale relative à la recherche sur les cellules souches embryonnaires) sur laquelle les citoyens sont invités à se prononcer le 28 novembre a été adoptée par le Parlement en décembre dernier.
L’idée est de combler un vide juridique. La loi actuelle interdit de faire de la recherche sur des embryons. Par ailleurs, les embryons surnuméraires – c’est-à-dire ceux qui ne serviront plus à une fécondation artificielle – doivent être détruits.
En revanche, la loi ne dit rien en ce qui concerne la recherche sur des cellules souches importées de l’étranger.
Ce flou a été mis en lumière en 2000, lorsqu’une biologiste des Hôpitaux universitaires de Genève a demandé au Fonds national de la recherche scientifique un financement pour réaliser des études sur des cellules souches importées des Etats-Unis.
Après deux ans, le financement a finalement été accordé. Mais cet épisode a montré qu’il y avait nécessité de légiférer.
De nombreux garde-fous
Avec la loi, il sera désormais possible de faire des recherches sur des cellules souches issues d’embryons surnuméraires. Mais pour éviter les dérives, cette autorisation s’accompagne de toute une série de garde-fous, qui peuvent se classer en trois volets.
Le premier concerne des principes généraux. La loi précise que les cellules souches ne peuvent provenir que d’embryons qui ont été créés en vue d’une fécondation artificielle. Il n’est pas permis de créer des embryons dans un seul but de recherche. Il est aussi interdit de laisser les embryons se développer au-delà du 7e jour.
Dans le deuxième volet, le législateur veut éviter que cellules et embryons donnent naissance à un commerce. Embryons et cellules ne peuvent être ni vendus ni acquis. Un couple qui cède un embryon ne peut donc rien gagner. Il doit le faire librement et être dûment informé sur l’utilisation qui en sera faite.
Par ailleurs, les milieux de la recherche et de la procréation artificielle doivent être indépendants l’un de l’autre, ce qui évite de possibles arrangements.
Quant à l’importation de cellules souches de l’étranger, elle reste possible. Mais les critères sont les mêmes que pour celles qui sont produites en Suisse.
Enfin, un troisième volet limite la recherche proprement dite. Les recherches effectuées sur des embryons surnuméraires doivent faire l’objet d’une autorisation de l’Office fédéral de la santé publique. Pour obtenir cette autorisation, le chercheur doit prouver que les résultats de ses recherches ne peuvent pas être obtenus par d’autres moyens et, surtout, qu’elles sont acceptables au plan éthique.
Des perspectives pour la médecine
A terme, les recherches sur les cellules souches pourraient ouvrir d’intéressantes perspectives pour la médecine. Mieux connaître leur fonctionnement permettrait de mieux comprendre leur développement anarchique (cancers) ou leur vieillissement (maladies dégénératives).
Vu que les cellules souches ont encore la capacité de se transformer en n’importe quel type de cellules, l’idée serait également de les spécialiser avant de les implanter dans le corps, où elles pourraient reconstituer un organe ou un tissu défaillants.
Pour les partisans, de telles perspectives justifient d’accepter la loi, afin de continuer la recherche. De plus, cette quête du savoir se double d’un intérêt économique. Vu l’importance de l’industrie pharmaceutique, la Suisse ne peut pas se permettre de prendre du retard dans le domaine de la recherche par rapport à d’autres pays.
Pour les partisans de la loi, un vote négatif le 28 novembre serait un très mauvais signe. «Ce serait le triomphe de l’obscurantisme. Notre pays, qui fait encore partie de l’élite scientifique, serait relégué en ligue B», estime le médecin et député radical (PRD / droite), Yves Guisan.
De possibles dérives
Ce discours ne convainc cependant pas tout le monde. La contestation émane de deux milieux qui s’opposent à loi pour des motifs différents.
Il y d’une part les milieux religieux et de défense de la vie. Ils sont opposés par principe à toute recherche effectuée sur des embryons humains.
On trouve d’autre part les écologistes, soutenu par une partie de la gauche. Ils estiment que la loi présentée au peuple a été conçue dans la précipitation dans le seul but de répondre à la recherche de profits de l’industrie.
A leurs yeux, il n’est pas du tout sûr que les recherches sur les cellules souches se traduisent par des avancées médicales. Par contre, elle ouvre la porte à des abus tels que le clonage ou l’eugénisme.
«La loi brise un tabou et ouvre la porte à toute une série d’expériences de manipulation de la vie, plaide la députée écologiste Anne-Catherine Ménétrey. On prend le risque de jouer aux apprentis sorciers.»
swissinfo, Olivier Pauchard
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