La politique forestière soumise au peuple
Les milieux de défense de l'environnement ont déposé vendredi une initiative populaire destinée à mieux protéger la forêt suisse.
Cette initiative intervient alors que le gouvernement veut diminuer les aides publiques et améliorer l’efficacité de l’industrie forestière.
Lancée par Franz Weber et l’organisation Helvetia Nostra, l’initiative populaire «Sauver la Forêt suisse» a été déposée vendredi. Elle est munie de plus de 115’000 signatures.
Le texte vise à consolider «l’excellente» loi actuelle, qui date de 1993, et dont on est en train de dénaturer le sens, déclare Léonard Farron, de la Fondation Pro Silva Helvetica. Il s’agit en particulier d’ancrer dans la constitution la notion de multifonctionnalité de la forêt et l’interdiction explicite des coupes rases et des défrichements.
Franz Weber a lancé son initiative en février 2004, un mois après que le gouvernement a présenté une déclaration d’intention en vue de la révision de la Loi fédérale sur les forêts en 2007. Avec les travailleurs forestiers, l’écologiste s’oppose au projet du gouvernement de «livrer la forêt, sans aucun garde-fou, à la gestion arbitraire et intéressée de l’industrie privée».
Son initiative vise à faire pression sur le Parlement qui sera appelé à débattre de la révision de la loi forestière, actuellement en consultation jusqu’à fin octobre. «Nous retirerons l’initiative si les Chambres fédérales vont dans notre sens», a dit Franz Weber aux journalistes.
Sur la durée
Les initiants s’inquiètent notamment de la volonté du gouvernement de compartimenter les fonctions de la forêt: ici la forêt dans son rôle de protection, là la forêt avec ses prestations en faveur de la biodiversité, là-bas la forêt de loisirs et partout ailleurs la forêt pourvoyeuse de bois, livrée aux récolteuses à chenilles et à la logique froide de la coupe rase et du profit immédiat, a expliqué Léonard Farron.
Or selon lui, la forêt doit être vue comme un tout, à la fois belle, accueillante, productive, vivante, protectrice et surtout durable. Mais pour les supporters de la révision de la loi, interdire les coupes rases, comme c’est le cas depuis 1902, revient à empêcher les propriétaires de faire des bénéfices. Selon eux, ces coupes permettront de sortir le secteur de ses difficultés financières.
Franz Weber et les travailleurs forestiers s’insurgent contre cette politique à court terme. Aux coupes rases succéderont des plantations d’épicéas à croissance rapide qui permettront de nouvelles rentrées d’argent plus rapides. Avec le risque d’une monoculture qui conduirait à l’uniformisation du paysage et à une perte de la biodiversité.
Succès en Suisse romande
La gestion des bois doit être laissée aux forestiers, professionnels du terrain qui les accompagnent dans la durée. Elle ne doit pas être confiée à la vision étriquée des bureaucrates, estiment les initiants. De plus, Berne ne doit pas se désengager financièrement.
Sur les 115’526 signatures authentifiées par les communes, un tiers provient de Suisse romande, où le texte a eu davantage de succès. Proportionnellement au nombre d’habitants, c’est dans les cantons de Zurich, Vaud, Neuchâtel, Fribourg et les deux Bâle que l’initiative a recueilli le plus de paraphes.
Franz Weber a en revanche été moins bien suivi dans les cantons d’Argovie, de Berne, des Grisons, de Lucerne, St-Gall, du Tessin et du Valais.
swissinfo et les agences
La forêt suisse occupe une surface de 1,2 million d’hectares (30% de la surface du pays)
9% des forêts sont protégées
27% appartiennent à des propriétaires privés
L’industrie forestière occupe 7300 personnes
En 2004, la récolte du bois a atteint près de 5,2 millions de m³, soit seulement deux tiers du volume exploitable
La balance du secteur est déficitaire depuis plusieurs années: en 2004, la Suisse a exporté pour 3,75 milliards de francs de bois, mais en a importé pour 5,98 milliards
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