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Les chemins de l’espace passent par la Suisse

Déborah et Raphaël, futurs candidats astronautes: la foi et la "motiv". swissinfo.ch

Il devrait y avoir 50'000 appelés pour quatre élus et quatre réservistes. L'Agence spatiale européenne (ESA) a lancé sa campagne de recrutement à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, avant celle de Zurich. Les 16 autres pays membres suivront.

En réalité, la séance d’information du 1er avril à l’EPFL prenait un peu d’avance sur l’histoire. L’ESA voulait en effet attendre que le Véhicule automatique de transfert «Jules Verne» ait réussi à s’arrimer à la station spatiale internationale (ISS) avant d’ouvrir son casting continental. Depuis ce jeudi 3 avril à 16 h 45, c’est chose faite !

L’Europe de l’espace va donc pouvoir étoffer et rajeunir son équipe d’astronautes, chargée désormais essentiellement de missions de longue durée à bord de l’ISS. Mais dans les décennies à venir, la Lune, voire Mars seront également dans la ligne de mire.

Les meilleurs

Ils et elles étaient pas loin de 200 dans la Salle polyvalente de l’EPFL, plus quelques dizaines de l’Université des sciences appliquées du Tessin, qui suivaient les exposées en duplex. Particulièrement écouté, Claude Nicollier, seul astronaute suisse à ce jour a rappelé à quel point il est «merveilleux» de participer au progrès de la science en travaillant dans un cadre «sublime».

Métier de rêve donc, mais pas métier pour les rêveurs. Le futur astronaute doit cumuler au moins la rigueur d’un scientifique, la condition physique d’un sportif accompli et le sang-froid d’un pilote de chasse. Sans oublier une immense motivation.

«Peu importe quel domaine vous avez étudié, ce qui compte, c’est que vous y soyez bon», précise le dépliant distribué par l’ESA. Et même cela ne suffit pas. «Ne commettez pas l’erreur de croire que vous êtes suffisamment bons, conseille Claude Nicollier. Efforcez-vous d’approfondir vos connaissances hors de vos domaines de compétences».

Enthousiasme

Au fil des exposés, certains quittent la salle. Découragés par les exigences ou déjà convaincus de tenter leur chance sans avoir besoin d’en entendre plus ? Difficile à savoir. De toute façon, nombre des futurs candidats n’ont pas attendu cette journée pour faire leur choix.

Ainsi Déborah, qui a grandi à l’ombre d’un aérodrome militaire: «c’est mon rêve depuis que j’ai quatre ans. Et je vais le poursuivre coûte que coûte». A 21 ans, cette étudiante en science des matériaux et pilote de planeur risque d’être trop jeune pour cette fois… Peu importe, elle sera encore là à la prochaine. Et «l’échec n’est pas une option».

A l’inverse, Norbert est à 41 ans un peu en dessus de la tranche d’âge idéale. Mais ce physicien de formation compte sur son expérience de pilote de jet pour faire la différence. «Cela ramène peut-être mes chances à une sur mille», calcule-t-il avec lucidité.

Chez les plus jeunes, c’est l’enthousiasme qui l’emporte sur le calcul. «J’ai la bonne formation, le bon âge, il ne faudrait surtout pas laisser passer une occasion pareille», note Céline, 26 ans, ingénieure en robotique, pour qui l’espace est aussi un rêve d’enfant.

Rigueur et poésie

Un rêve que la littérature et le cinéma ont déjà porté bien plus loin que ce qu’offrent les techniques du 21e siècle. Alors comme Claude Nicollier en son temps, nombre de ces jeunes se sont nourris de science-fiction. Y compris de la fusée de Tintin.

«Je suis encore de la génération StarWars», explique Raphaël, pour qui la révélation est vraiment venue en contemplant la splendeur d’un ciel étoilé par une nuit bien claire en montagne. Et cet étudiant en microtechnique de 27 ans n’est pas le seul à allier rigueur de la science et poésie de la contemplation.

Pour Samantha, tout a commencé avec la «Brève histoire du temps», le magistral ouvrage de vulgarisation de l’astrophysicien Stephen Hawking. A 27 ans, cette doctorante en mécanique, parachutiste et apprentie pilote à ses heures, semble aussi sensible à la beauté d’un ciel étoilé qu’à celle d’une équation.

«Le voyage est déjà magnifique»

Attirés par le métier d’astronaute, ces jeunes gens n’en sont pas moins conscients que l’exploration spatiale est une activité gourmande en ressources et en énergie et relativement lourde pour l’environnement.

«En tant que futur scientifique, on ne peut pas faire l’économie d’un questionnement à ce sujet: est-ce que ces moyens sont investis à juste titre ? Pour moi, ce questionnement est quotidien», admet Jérémie (24 ans), qui dit essayer de vivre en harmonie avec ses convictions écologistes.

Raphaël, lui, attend des agences spatiales des avancées en matière de techniques de protection de la planète. De nature foncièrement positive, il trouve déjà «magnifique de voir tous ces gens qui s’associent par-delà les langues et les cultures pour mener ensemble un projet international comme l’ISS».

Et s’ils font partie des 49’992 recalés, ces jeunes filles et ces jeunes gens pourraient bien faire leur carrière dans le secteur spatial malgré tout, en travaillant au sol. De toute façon, «il faut tenter sa chance, quel que soit le résultat, parce que le voyage pour y aller est déjà magnifique en soi», conclut Samantha.

swissinfo, Marc-André Miserez

Après 1978 et 1992, c’est la troisième campagne de recrutement pour astronautes européens. La prochaine n’aura pas lieu avant 2018. Les candidats pourront s’annoncer à partir de la mi-mai sur la section ad hoc du site de l’ESA, qui restera ouverte pour quatre semaines uniquement.

Avant de pouvoir s’inscrire, chacune et chacun devra fournir un certificat médical identique à celui que l’on demande aux pilotes. Mais au final, les exigences seront plus élevées encore. Une parfaite santé, tant physique que psychique constitue un «must» absolu. Les dépendances (alcool, drogues, tabac) sont rédhibitoires. Les problèmes de vision ne sont pas un obstacle, pour autant qu’ils soient correctibles.

Les candidats doivent être titulaires d’un passeport d’un des 17 pays membres de l’ESA, au bénéfice d’une formation scientifique, technique ou médicale de niveau universitaire et de trois ans au moins d’expérience professionnelle. L’âge idéal se situe entre 27 et 37 ans, mais ces limites ne sont pas absolues. La maîtrise de l’anglais est indispensable, celle du russe (seconde langue officielle à bord de l’ISS) est souhaitée.

La première sélection devrait permettre d’éliminer 90% des dossiers. Les quelques milliers de «survivants» seront convoqués pour des séries de tests psychologiques et médicaux, de jeux de rôle et d’entretiens. Après un an, il n’en restera que 30, qui devront se montrer convainquants lors des ultimes interviews. Les élus seront connus à l’été 2009.

Officiellement, il n’y a pas de quotas nationaux et chaque pays a sa chance d’avoir un ou une astronaute, indépendamment du montant de sa contribution à l’ESA.

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