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Plans d’action contre la privatisation de l’eau

C'est à la solidarité mondiale qu'en appelle le Forum... Ici une baignade au bord du Lac des Quatre-Cantons. Keystone

Les participants au Forum alternatif de l'eau, à Genève, ont adopté quatre plans d'action pour éviter la privatisation de l'or bleu.

Parmi les mesures proposées: une taxe de solidarité sur l’eau ou la création d’un parlement mondial de l’eau.

Le Forum, dont l’édition genevoise s’achève ce dimanche, a pour but de «promouvoir la création d’un service public mondial de l’eau» à travers une série de mesures concrètes, a indiqué à l’ats Bastienne Joerchel, de la Communauté de travail des oeuvres d’entraide suisses. Les quatre plans d’action doivent poser les bases de cette infrastructure, a-t-elle ajouté.

Ils reposent sur quatre piliers: la reconnaissance de l’eau comme un droit de l’homme, la préservation de son statut de bien public, le refus de laisser son financement à des privés et une gestion démocratique de cette ressource.

«Centime» de solidarité

Pour atteindre ces objectifs, Bastienne Joerchel cite notamment l’introduction d’un «centime» de solidarité sur l’eau. Cette taxe permettrait d’éviter le recours à un financement privé pour assurer la distribution de cette ressource.

De même, la constitution d’un parlement mondial de l’eau servira à établir des règles de gestion transparente de l’eau. La première réunion de cette instance aura lieu en 2006 à Bruxelles, sur l’initiative de l’Italien Riccardo Petrella, professeur à l’Université de la Suisse italienne (USI) à Lugano.

Des parlementaires du monde entier, réunis dans la salle du Grand conseil genevois, ont en outre adopté samedi une déclaration pour appuyer le droit à l’eau.

Enfin, la journée était marquée par l’organisation de plusieurs ateliers parallèles. Notamment sur la question du tourisme et de l’eau, ou des conflits liés à l’eau, comme au Proche-Orient. Le conflit qui oppose la Syrie, le Liban et Israël est en effet largement lié à l’accès au précieux liquide, souligne Bastienne Joerchel.

Nestlé mis en cause



La multinationale de Vevey met en danger l’accès à l’eau au Pakistan, c’est ce qu’a affirmé au cours du forum l’auteur d’une étude sur le rôle du géant mondial de l’alimentaire réalisée pour Amnesty International et la Communauté de travail des oeuvres suisses d’entraide.

Selon Nils Rosemann, Nestlé produit pour le Pakistan 35 millions de bouteilles d’eau par an, avec une part du marché dépassant les 50%. L’eau en bouteilles est inaccessible à la grande majorité des 160 millions de Pakistanais, dont seulement 23 % ont accès à de l’eau potable.

Mais Nestlé contribue à pomper l’eau de la nappe souterraine dans la région de Lahore. Celle-ci baisse de plusieurs mètres par année et des milliers de personnes ont toujours plus de difficultés à puiser l’eau dans les puits, accuse Nils Rosemann. Selon lui, le géant suisse de l’industrie alimentaire profite de l’absence de législation au Pakistan sur l’extraction de l’eau souterraine.

Un porte-parole de la multinationale veveysanne, Robin Tickle, a rejeté ces critiques. Des mesures effectuées en février ont montré que le niveau de la nappe souterraine n’avait pas baissé dans la région de Lahore. De telles mesures sont effectuées régulièrement, a-t-il ajouté.

Le porte-parole a par ailleurs souligné qu’il existe bien des dispositions juridiques pour l’exploitation des eaux souterraines au Pakistan. Nestlé les respecte et n’exploite même pas à fond les possibilités juridiques à sa disposition, a-t-il dit à l’ats.

Paroles fortes

Le 2e Forum alternatif mondial sur l’eau (FAME) a réuni quelque 2000 participants venus des cinq continents et de plus de 150 ONG. Et quelques fortes personnalités…

Au cours du forum, le Suisse Jean Ziegler, rapporteur de l’ONU sur le droit à l’alimentation, a rappelé que «Plus de 9.000 enfants meurent chaque jour dans le monde à cause d’une eau impropre».

Jean Ziegler a fait état de quatre milliards de cas de diarrhées par an, dont deux millions sont mortels. L’eau insalubre est à l’origine de nombreuses maladies comme le choléra, la dysenterie, le paludisme, la fièvre typhoïde, l’hépatite.

Danielle Mitterrand, veuve de l’ancien président français, a insisté sur le fait que le Forum de Genève constitue une étape de la réflexion lancée en 2003 à Florence, lors du premier forum alternatif. «L’histoire s’écrit à petits pas. Il faudra d’autres forums pour avancer», a-t-elle dit.

Rappelons que les Nations Unies lancent mardi, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, une décennie placée sous le slogan «l’eau pour la vie, l’eau pour tous», destinée à diviser par deux, d’ici 2015, le nombre de personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable.

swissinfo et les agences

Les objectifs du Fame:
Reconnaissance du droit à l’eau comme un droit de l’homme
Définition de l’eau comme bien commun de l’humanité
Gestion démocratique des ressources en eau et financement par des fonds publics

– Le 1er Fame s’est tenu à Florence en mars 2003, en même temps que le 3e Forum mondial de l’eau, à Kyoto.

– Le Fame se veut l’anti-Forum mondial de l’eau. Selon ses organisateurs, le Forum officiel, orchestré par l’ONU, la Banque mondiale, le FMI et les multinationales du secteur, est trop axé sur les privatisation ou les partenariats public-privé.

– La 2e édition du Fame s’est tenue du 17 au 20 mars à Genève. Quelque 2000 participants venus des cinq continents et de plus de 150 ONG y ont participé.

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