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Plus avant dans les labyrinthes du cerveau

Keystone

Genève inaugurait récemment un laboratoire de recherche unique par bien des aspects. De quoi affiner notre compréhension de la sclérose en plaques, d'Alzheimer ou de la dépression, mais aussi de la manière dont nous réagissons émotionnellement à la musique... ou à la chute des bourses.

Ce sera BBL, pour «Brain & Behaviour Laboratory», ou «Laboratoire du cerveau et du comportement». Son nom dit déjà une des particularités de la nouvelle structure: ici, travailleront des médecins, des chimistes, des biologistes, mais aussi des psychologues. Car on s’intéressera autant au cerveau malade qu’au cerveau sain.

«L’interdisciplinarité ira bien plus loin que les simples échanges d’idées», résume le professeur Klaus Scherer, patron du pôle en Sciences Affectives de l’Université de Genève, qui codirigera le BBL avec son homologue Patrik Vuilleumier, du Centre de Neurosciences.

A cette interdisciplinarité des hommes s’ajoutera celle des machines. L’IRM de dernière génération qui occupe le centre du laboratoire fournira des données qui seront recoupées avec celles d’autres méthodes d’investigation, comme l’électroencéphalographe – qui mesure l’activité électrique du cerveau.

Le BBL comportera également – reliés à une régie qui permet de commander le tout – un labo pour l’étude du sommeil et diverses expériences pour mesurer comment le cerveau réagit aux simulations sensorielles. Soit la musique, les bruits, les odeurs, les contacts physiques, mais aussi le stress ou l’euphorie du courtier en bourse qui perd ou qui gagne. Sans oublier naturellement les images.

Supermarché virtuel

Des images nettement plus sophistiquées que de simples projections sur un écran. Une salle du nouveau laboratoire est en effet dédiée à la réalité virtuelle. «On essayera par exemple d’y placer des patients atteints d’Alzheimer dans un supermarché entièrement en images de synthèse pour voir comment ils gèrent leurs courses», explique Patrik Vuilleumier.

Pas mal de développements en vue donc aussi pour les jeunes passionnés d’informatique, qui devront construire ces environnements virtuels – puisqu’ici comme ailleurs, ce seront avant tout les étudiants qui feront la recherche – «et dans ce domaine comme dans les autres, nous les encourageons à être créatifs», confirme le codirecteur du BBL.

Lorsque tout sera pleinement opérationnel – au printemps 2009 – près de 200 chercheurs pourront bénéficier des installations du laboratoire. Mais en attendant, c’est la mise en service de l’IRM qui a donné lieu le 8 décembre à la cérémonie d’inauguration.

Le monstre

Cette machine de 13 tonnes – dont la mise en place en sous-sol a nécessité le percement d’un tunnel ad hoc – a pour élément central un aimant supra-conducteur (comme ceux du CERN) refroidi à -270° par de l’hélium liquide.

Au centre de l’anneau, le champ magnétique est de 3 Tesla, soit environ 80’000 fois le champ magnétique naturel de la Terre. C’est le double de la puissance de la plupart des IRM installés dans les hôpitaux.

Mais même si on ne peut pas approcher de l’aimant avec le moindre objet métallique dans la poche sous peine de le voir s’envoler et aller s’y coller plus solidement que s’il était soudé, ce champ reste inoffensif pour le patient.

Et pour reconstituer les images que fournissent les atomes du cerveau en réémettant les ondes de la machine, celle-ci fonctionne sur 32 canaux, au lieu des 4 à 8 des IRM classiques.

Résultat: des images à haute résolution et, comme l’ont souligné fièrement les orateurs de cette inauguration, «le seul IRM de cette puissance au monde qui soit entièrement voué à la recherche fondamentale».

Et de plaider pour cette activité trop peu médiatisée, mais qui n’en est pas moins à l’origine de toutes les avancées scientifiques, technologiques, et, dans le cas de la médecine, thérapeutiques. C’est une évidence: pour soigner un organe malade avec la meilleure efficacité, on a tout avantage à savoir comment il fonctionne et comment et pourquoi il dysfonctionne.

Excellence lémanique

Avec ces outils, Genève compte bien continuer à jouer dans la cour des grands en neurosciences, domaine dont son Université a fait un de ses axes prioritaires.

L’année dernière, ses quelque 60 équipes de chercheurs en neurosciences ont publié pas moins de 432 articles scientifiques.

Au niveau helvétique, seul Zurich fait mieux, avec son Université et son Ecole polytechnique fédérale (EPF). Mais si l’on additionne aux résultats genevois ceux de l’Université et de l’EPF de Lausanne, alors, c’est la région lémanique qui fait figure de leader suisse des neurosciences.

Science, la revue de référence américaine, la place même au troisième rang européen, derrière les prestigieux sites britanniques d’Oxford et de Cambridge.

Avec deux Universités, deux hôpitaux universitaires et une EPF, les deux villes des rives du Léman ont en effet de solides arguments à faire valoir. Et la coopération ici n’est pas un vain mot, puisque Lausanne et Genève sont les seules Hautes Ecoles de Suisse à gérer en commun un doctorat. En neurosciences, évidemment.

swissinfo, Marc-André Miserez à Genève

L’acquisition et l’installation de l’IRM du BBL a pu se faire grâce à une donation de six millions de francs faite à l’Université par la Société académique de Genève.

Fondée il y a 120 ans, celle-ci soutient la Haute Ecole avec son patrimoine propre, ainsi qu’avec l’argent d’une trentaine de fonds dont la gestion lui a été confiée.

Pour le BBL, la somme provient d’un mécène unique, qui a tenu à rester anonyme, mais qui souhaitait que son don puisse aider à faire avancer la recherche contre la sclérose en plaques.

Le nom complet de cette méthode d’imagerie médicale développée depuis les années 80 est «Imagerie à Résonance Magnétique Nucléaire», mais on omet souvent le «N» final, afin de ne pas effrayer les patients qui pourraient associer – à tort – le mot nucléaire avec la radioactivité.

En fait, «nucléaire» fait ici référence au noyau des atomes d’hydrogène (élément très abondant dans le corps humain), qui – pour faire simple – sont «rendus visibles» par le champ magnétique qu’émet l’appareil.

Même si elle ne permet d’étudier que les tissus mous (et pas les os par exemple), l’IRM est la méthode d’imagerie non intrusive qui fournit les images (en 3D) les plus détaillées que l’on puisse obtenir en l’état actuel de nos techniques.

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