Depuis 60 ans au service des déplacés
Fondée au départ avec un mandat de trois ans pour les Européens dispersés par la guerre, le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) a aidé en 60 ans d’existence 50 millions de personnes à reconstruire leurs vies. Aujourd’hui, l’agence onusienne basée à Genève est active dans 118 pays.
C’est en 1956, quand l’Union soviétique écrase la Hongrie, que le HCR affronte sa première situation d’urgence majeure. L’agence aidera près de 200’000 Hongrois qui ont choisi l’exil. Et comme elle le proclame aujourd’hui sur son site web, son utilité «n’a dès lors plus jamais été remise en question».
L’Europe juste après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe de l’Est durant la Guerre Froide, la décolonisation souvent chaotique en Afrique et en Asie, la sécession du Pakistan oriental (devenu Bangladesh), la répression et les guerres civiles en Amérique latine, la guerre dans les Balkans, les crises en Asie centrale: ensemble toutes ces situations ont jeté et jettent encore des millions de personnes sur les routes.
Nombre d’entre elles rentrent au pays lorsque la situation le permet, mais d’autres entament une nouvelle vie ailleurs dans le monde. D’autres encore passent des années dans des camps, à attendre une solution. Et dans tous les cas, le HCR peut les aider.
Considérations politiques
Sur le papier, l’agence est apolitique, «mais les questions dont elle s’occupe ont toujours été influencées par la politique», rappelle Jussi Hanhimäki, de l’Institut des Hautes études internationales de Genève. Et de citer l’exemple de l’Afghanistan, qui depuis l’invasion soviétique de 1979 est une des plus longues crises de réfugiés du monde.
«Le Pakistan a accepté la présence du HCR. Pourtant, ce pays avait clairement un intérêt politique à cette guerre. Et quelques camps de réfugiés au Pakistan sont effectivement devenus des camps d’entraînement pour les moudjahidines [qui résistaient aux Soviétiques], ce qui n’est pas précisément une activité apolitique et entrait en conflit avec le mandat même du HCR», explique le professeur.
«Un autre problème, ajoute Jussi Hanhimäki, c’est que le second pays à recevoir le plus de réfugiés afghans était l’Iran, qui après 1979 n’a plus reconnu le HCR. Impossible donc d’opérer sur son sol».
Légalité et humanitarisme
Dans toute crise de réfugiés, il y a des enjeux légaux. Le HCR est en effet habilité à fournir davantage d’aide aux gens qui sont reconnus légalement comme réfugiés. Dans ses statistiques, l’agence parle de «personnes relevant de la compétence du HCR», dont une moitié environ sont reconnues comme réfugiés, alors que les autres attendent que leur statut soit fixé.
«Etre reconnu comme réfugié vous confère une certaine protection légale; vous avez droit aux conseils juridiques du HCR et vous ne serez pas forcé de revenir d’où vous venez», explique Jussi Hanhimäki.
Mais quoi qu’il en soit, le HCR apporte l’aide humanitaire à tous ceux qui sont dans ses camps, indépendamment de leur statut. «C’est une des fonctions clé qui fait toute l’importance de l’institution, note le professeur. Si le HCR n’était pas là, qu’arriverait-il à ces gens ?»
Une des fonctions importantes de l’agence est de réinstaller les réfugiés avant qu’une crise ne devienne permanente. Il y a aujourd’hui des cas où une génération entière n’a rien connu d’autre que la vie dans un camp. Mais il y a aussi des réussites. Les Européens après la Seconde Guerre mondiale et les réfugiés de la guerre du Vietnam ont retrouvé des foyers, un peu partout dans le monde.
La réinstallation des réfugiés dépend de la volonté des Etats de les accepter, et cela peut dépendre de la situation économique, le besoin de main-d’œuvre ou les préjugés culturels ou raciaux.
Défis à venir
En lançant les célébrations du 60e anniversaire, le haut commissaire Antonio Guterres a rappelé que nombre de facteurs qui poussent les gens à s’exiler n’existaient pas quand le HCR a été fondé.
«De plus en plus de gens passent les frontières à cause de l’extrême pauvreté, à cause de l’impact du changement climatique, ou parce qu’ils sont pris dans un conflit», a dit le patron du HCR.
Pour de nombreuses personnes, l’action du HCR a signifié la vie au lieu de la mort. Elle leur a permis de trouver une maison, de bénéficier d’une bonne santé et les a protégées contre les violations de leurs droits humains, a ajouté le haut commissaire. Mais les nouveaux défis appellent de nouvelles réponses.
«Nous avons de nombreuses raisons d’être fiers, mais nous avons encore plus de raisons d’être préoccupés par les défis que nous affrontons en ce moment. Malheureusement, les causes profondes des conflits et des déplacements de populations ne sont pas en voie de disparaître et les prochaines années seront toujours aussi difficiles», a averti Antonio Guterres.
14 décembre 1950. Création du HCR. Initialement, son mandat est de trois ans, pour aider les Européens déplacés par la Seconde Guerre mondiale.
28 juillet 1951. Adoption de la Convention des Nations Unies sur le statut des réfugiés.
1954. Le mandat du HCR est prolongé jusqu’à la fin de la décennie. La même année, l’agence reçoit le Prix Nobel de la Paix.
1956. Près de 200’000 Hongrois fuient leur pays, remis au pas par l’Union soviétique. C’est la première crise majeure que doit affronter le HCR.
Années 60. La décolonisation en Afrique et en Asie se solde par de vastes déplacements de populations.
1971. La guerre d’indépendance qui aboutit à la sécession du Pakistan oriental et à la création du Bengladesh force près de 10 millions de personnes à fuir leurs maisons.
Palestine. Le mandat du HCR ne couvre pas les réfugiés palestiniens. Ils ont leur propre agence, la «United Nations Relief and Works Agency», fondée une année avant le HCR.
De 34 au départ, le nombre d’employés du HCR est passé à 6650 aujourd’hui, dont 740 travaillent au siège à Genève.
L’agence est active dans 118 pays.
Son budget 2009 dépasse 2 milliards de dollars.
Aujourd’hui, 34,4 millions de personnes dans le monde relèvent de sa compétence. Parmi elles, 14,4 millions de déplacés dans leurs propres pays, 10,5 millions de réfugiés, 2 millions de rapatriés, 6,6 millions de sans patrie et plus de 800’000 requérants d’asile.
(Traduction de l’anglais: Marc-André Miserez)
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