Durban II: les ONG se réunissent dans le calme
Les ONG ont tenu ce week-end à Genève le traditionnel Forum de la société civile. Sans débordements, ni dérapage antisémite. Le Forum a adopté la Déclaration de Genève, qui n'engage que les ONG signataires.
Small is beautiful. Telle pourrait être la devise du Forum de la société civile qui s’est tenu ce week-end, à Genève, avant la Conférence d’examen de Durban.
Plus de trois cents délégués non gouvernementaux, selon les organisateurs, ont planché pendant deux jours sur les sujets abordés par le sommet qui s’ouvre lundi. Ou non abordés, justement, par un document préliminaire jugé par certains comme trop mou et consensuel.
Si le nombre de participants n’arrive pas à la cheville des 5’000 du Forum de Durban I [la conférence sur le racisme qui s’est tenue en 2001 et dont celle de Genève doit dresser le bilan], les organisateurs jubilent: les débordements qui avaient caractérisé ce dernier ne sont pas reproduits. Les craintes de propos racistes et anti-sémites avaient pourtant été exprimées par plusieurs, à commencer par les ONG internationales, les grandes absentes de la réunion.
«Même les ONG iraniennes ont joué le jeu, se réjouit Abdel Wahab Hani, de la Commission arabe des droits humains. Elles ont accepté le fait que tout le monde n’est pas prêt à considérer le sionisme comme une forme de racisme.»
«Le Forum se veut un espace de dialogue apolitique, ouvert à tous et ne souhaitant pointer du doigt aucun pays en particulier», nous avait déclaré Biro Diawara, du comité d’organisation, avant l’ouverture de la manifestation. Pari tenu, visiblement. Mais les participants ont tenu à bien se démarquer des Etats.
Religions traditionnelles oubliées
«Nous n’avons pas de langues, mais des dialectes. Pas de religions, mais des superstitions. Pas de noms, mais des nombres, a clamé Humberto Brown, coordinateur du Groupe des ONG d’Amérique latine et des Caraïbes, citant un poème local. C’est ce qu’on dit de nous. Le document officiel de Durban II parle de Christianisme, d’Islam et de Judaïsme, mais il n’y a rien sur les religions d’origine africaine, comme le candomblé et la «santeria». Ils disent que ce sont des pratiques démoniaques. Pourtant, ce sont ces saints, cette spiritualité et ce mysticisme qui ont permis aux esclaves enchaînés de survivre dans les bateaux et les plantations.»
«Après le 11 septembre, la lutte contre le racisme et la discrimination raciale a acquis une dimension politique, lui fait écho Nimalka Fernando, une célèbre activiste sri lankaise, coordinatrice du Forum des ONG d’Asie-Pacifique. Nos gouvernements ont rejoint la guerre contre le terrorisme et c’est dans ce cadre qu’on juge notre engagement. Voyez les activistes Dalits en Inde, accusés de s’opposer à la souveraineté de l’Etat. La Déclaration et le plan d’action de Durban I disaient des choses complètement différentes de ce qui a été fait après.»
Etats appelés à balayer devant leur porte
Et de rappeler qu’il y a plus d’un million de travailleurs sri lankais au Moyen-Orient, dont 80% de femmes «Si vous écoutez leurs histoires, vous savez ce qu’est le racisme. L’Asie du Sud n’a pas été capable de protéger ses minorités. A Genève, les Etats tiennent un double langage. Ils condamnent le passé colonial, mais n’ont pas été capables de balayer devant leur porte.»
Violette Daguerre, présidente de la Commission arabe des droits humains, renchérit: «Il y a beaucoup de discrimination et de racisme dans le monde arabe: l’esclavage persiste, même s’il n’est pas appelé comme ça; les homosexuels et les «bidoun», les sans papiers, sont discriminés. Depuis Durban I, on a beaucoup reculé et c’est dommage qu’on soit si divisés.»
Adoption d’une Déclaration de Genève
Les participants au Forum ont constitué plusieurs groupes de travail sur le racisme anti-noir, la discrimination des migrants, des réfugiés, des femmes, des populations autochtones, du peuple palestinien et sur les dérapages consécutifs au 11 septembre, notamment les classifications en fonction de l’ethnie et de la religion (profiling).
Une déclaration finale a été adoptée dimanche après-midi par la plénière. Elle rappelle que la Déclaration de Durban I est historique, car elle définit l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Les ONG s’indignent aussi des atrocités, crimes de guerre, formes extrêmes de discrimination institutionnalisée et pratiques racistes pratiquées contre le peuple palestinien, qui se bat envers et contre tout pour réaliser son droit inaliénable à l’autodétermination.
Cette déclaration n’engage que les ONG signataires et ne sera pas considérée comme un document officiel de la Conférence d’examen de Durban, qui s’ouvre demain. Vu l’expérience positive, les participants appellent à la tenue d’un autre Forum de la société civile en 2011 – 10 ans après la conférence de Durban I. Indépendamment de ce que les Etats décident de faire la semaine prochaine.
swissinfo, Isolda Agazzi/InfoSud
Sud. Le Forum a réuni plus de trois cents participants, selon les organisateurs, surtout des Africains, Latino-américains, Arabes et Asiatiques.
Manif’.Le samedi après-midi, une manifestation s’est tenue dans les rues de Genève, qui a réuni environ sept cent participants.
Mix. La gauche genevoise et les syndicats ont défilé pacifiquement à côté de militants palestiniens, iraniens, des associations kurdes, tamoules et de Dalits.
Quoi. La Conférence d’examen de Durban, convoquée par les Nations-Unies du 20 au 24 avril à Genève, a pour but d’évaluer la mise en œuvre des mesures adoptées en 2001 à Durban (Afrique du Sud), lors de la première édition de la Conférence.
Boycotts. Les Etats-Unis ont décidé de boycotter la conférence jugeant «contestable» la formulation du document final préparé pour cette réunion. Les Pays-Bas l’estiment «inacceptable» et boycotteront aussi, tout comme le Canada ou l’Australie, qui redoute que Durban II ne se transforme en tribune antisémite.
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