Benazir Bhutto condamnée en Suisse
Le juge d’instruction genevois Daniel Devaud a reconnu l’ex-Premier ministre pakistanais Benazir Bhutto et son mari, Asif Ali Zardari, coupables de blanchiment d’argent.
Condamnés à six mois de prison avec sursis et à une amende de 260’000 dollars chacun, les époux Bhutto vont faire appel.
Le volet suisse de l’enquête remonte à 1998. Il est en rapport avec l’affaire de pots-de-vin – plusieurs millions de dollars – versés à Benazir Bhutto et Asif Ali Zardari par la Société générale de surveillance (SGS) et sa filiale Cotecna.
Selon le juge d’instruction genevois Daniel Devaud, les sommes représentent environ 6% des contrats attribués en 1994 aux deux entreprises, soit quelque 12 millions de dollars.
Le 30 juillet, le juge d’instruction a ordonné la confiscation de cet argent déposé sur des comptes bancaires à Genève par des sociétés off-shore. Et il a demandé son rapatriement au Pakistan.
En 1997, Islamabad avait demandé à la Suisse le gel des comptes de l’ancien Premier ministre et de son mari.
Au Pakistan, les époux Bhutto ont été condamnés en 1999 à cinq ans de prison et à des amendes de plusieurs millions de dollars. Autant de peines qui ont été annulées par la suite.
Crime de gestion déloyale
Dans ses considérants, Daniel Devaud relève que Mme Bhutto s’est rendue coupable «pour le moins» du crime de gestion déloyale d’intérêt public. Par conséquent, les actes de blanchiment d’argent provenant de «ses activités criminelles» peuvent lui être reprochés en Suisse.
Or l’ex-premier ministre pakistanais a pris des mesures pour qu’un accord avec une société off-shore soit tenu secret, affirme le juge. Elle aurait également participé à la mise en place de sociétés dont elle savait qu’elles servaient à camoufler l’identité des destinataires des fonds que versaient la SGS et la Cotecna.
A noter que Jens Schlegelmilch – l’avocat genevois qui a agi en Suisse pour le compte des époux Bhutto – a aussi été condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis. Il était accusé de blanchiment d’argent.
Colère de l’avocat du couple
«Foutaises», s’est exclamé Me Dominique Poncet, l’avocat genevois du couple Bhutto, à l’annonce de cette condamnation.
«Daniel Devaud n’est pas un tribunal, s’indigne Me Poncet. C’est seulement un juge d’instruction qui est supposé rassembler des preuves pour pouvoir, ou non, aller devant un tribunal.»
«Si Mme Bhutto doit se présenter devant un tribunal, ajoute-t-il, alors elle le fera. Elle aura ainsi un procès équitable et la possibilité de se défendre, ce qu’elle n’a jamais eu jusqu’à présent.»
Représentant l’Etat pakistanais – depuis que la Suisse a accordé l’entraide judiciaire à ce pays – Me Jacques Python affirme que le juge d’instruction Devaud a autorité pour prononcer des condamnations allant jusqu’à six mois.
Pour Me Poncet, toutefois, les oppositions déposées dans les délais, soit 14 jours, sont automatiquement admises et elles ont un effet suspensif.
La procédure normale exige que le dossier soit ensuite transmis au Tribunal de police. Me Poncet estime cependant que cette instance n’a pas la compétence pour traiter d’une affaire de cette importance. Il demandera donc qu’elle retourne au Ministère public.
Une affaire qui rebondit
Poursuivie depuis 1998 dans divers dossiers, Benazir Bhutto (60 ans) vit depuis cette date en exil volontaire entre Londres et Dubaï. Elle a toujours rejeté toute accusation de corruption ou de blanchiment. Son mari est emprisonné au Pakistan depuis 1996.
Cette affaire, qui rebondit depuis cinq ans, n’est pas près d’être close. En 1998 déjà, le juge Daniel Devaud avait demandé l’inculpation de Benazir Bhutto et de son mari.
Et, au Pakistan, la procédure ouverte pour corruption contre l’ancien premier ministre a donné lieu à diverses décisions, dont certaines contradictoires.
swissinfo et les agences
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