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Expulsion: du bon usage de la force

Après la mort d'un Nigérian à la prison de Granges en 2001, les défenseurs des droits de l'homme manifestent à Sion. Keystone Archive

Pour éviter de nouvelles bavures lors de renvois forcés d’étrangers, le gouvernement veut inscrire dans la loi ce qui est permis et ce qui ne l’est pas.

Les matraques et les appareils à électrochocs seraient ainsi autorisés, alors que les bâillons et les casques intégraux seraient interdits.

Mercredi, le gouvernement a dévoilé son projet de loi sur l’usage de la contrainte policière. Ce texte, mis en consultation jusqu’à fin février 2005, constitue la réponse aux décès et aux blessures infligées à des étrangers lors de rapatriements forcés.

Il y a deux ans déjà, la Conférence des directeurs des départements cantonaux de Justice et Police avait édicté des directives à l’intention des autorités d’exécution. Et c’est elle qui avait prié le ministère de Justice et Police de préparer un projet de réglementation fédérale.

Le texte présenté mercredi vise à garantir un usage de la force «proportionné aux circonstances» et préservant, «dans la mesure du possible», l’intégrité physique des intéressés, affirme le gouvernement.

Cette loi, qui ne s’applique pas en cas de légitime défense ou d’état de nécessité, énumère les moyens interdits et ceux auxquels il est permis d’avoir recours en cas de besoin.

Pas de bâillons, mais des électrochocs

Ainsi, les casques intégraux, les bâillons et tout autre procédé pouvant entraver les voies respiratoires seraient prohibés. Il en va de même pour les techniques d’immobilisation entravant la respiration, susceptibles de mettre en péril la santé des personnes concernées.

En dernier recours, les responsables de l’expulsion pourraient faire usage d’armes. Le projet prévoit les matraques et bâtons de défense, ainsi que les appareils à électrochoc.

Appelés aussi «tasers», ces appareils sont déjà utilisés par divers corps de police. Ils sont équipés de deux électrodes qui provoquent sur une courte distance un choc électrique, lequel immobilise la personne touchée.

Les menottes, les entraves et les liens seraient feraient également partie des moyens admis.

Pas de traitements humiliants

Le projet de loi interdit les traitements cruels, dégradants ou humiliants. Ainsi, le fait d’imposer de manière générale le port de langes aux personnes à rapatrier serait considéré comme humiliant.

Mais des langes pourraient être imposées «lorsque le vol dure longtemps et que, du fait de son comportement agressif, la personne ne pourrait être accompagnée aux toilettes sans occasionner de grandes complications à l’escorte».

L’assistance médicale et le recours aux médicaments sont également réglés dans le texte. Les médicaments ne pourraient pas être utilisés en lieu et place des moyens auxiliaires. Pas question donc de faire ingérer un somnifère de force.

Formation ad hoc



Toute personne soupçonnée d’être dangereuse pour les autres ou pour elle-même, ou de transporter des objets dangereux, devrait pouvoir faire l’objet d’une fouille ou d’un examen corporel. Ce dernier devra être pratiqué par un membre du corps médical.

Enfin, seules des personnes spécifiquement formées à cet effet devraient être chargées de tâches impliquant l’usage de la contrainte policière. La Confédération entend soutenir des programmes de formation ad hoc.

Et les droits de l’homme?

«Nous regrettons que les experts du ministère qui ont rédigé ce projet de loi n’aient pas pris l’avis des défenseurs des droits de l’homme», fait remarquer Jürg Schertenleib, porte-parole de l’OSAR, Organisation suisse d’aide aux réfugiés.

L’OSAR qui ne manquera pas d’attirer l’attention sur ce manque au moment de la procédure de consultation. Car pour son porte-parole, la question du respect des droits de l’homme est «centrale, autant pour la Suisse que pour les pays où ces gens sont renvoyés».

«Procédés inhumains»

Plus virulente, Amnesty International se dit choquée que les policiers puissent continuer à utiliser les appareils à électrochocs. Plusieurs questions demeurent sans réponse quant à leurs conséquences sur la santé, déclare Denise Graf d’Amnesty. Ces appareils ont déjà provoqué la mort de onze personnes aux Etats- Unis, selon elle.

Pour la représentante d’Amnesty International, attacher les pieds et obliger le port de langes lors d’expulsions constituent des procédés inhumains. Amnesty juge en revanche positive la proposition de renoncer aux casques intégraux et aux médicaments.

swissinfo et les agences

Selon le projet de loi,
Seraient autorisés:
les liens et les menottes,
les appareils à électrochocs et les matraques, mais seulement en cas de nécessité.
Seraient interdits:
les casques intégraux, les baillons, certaines techniques d’immobilisation et l’administration forcée de calmants ou de somnifères.

– Au moins deux hommes ont perdu la vie en Suisse lors d’opérations de contrainte policière en vue d’une expulsion.

– En 1999, Khaled Abuzarifeh Palestinien de 27 ans qui devait être renvoyé vers Le Caire meurt étouffé à l’aéroport de Zurich. Pour l’empêcher de crier, des agents l’ont ligoté et lui ont collé une bande adhésive sur la bouche, alors qu’il souffrait de difficultés respiratoires.

– En 2001, Samson Chukwu Nigérian de 27 ans meurt au centre de détention de Granges (Valais), après avoir résisté à son renvoi. L’autopsie conclut à «une mort par asphyxie par mise en position sur le ventre, avec les bras fixés au dos et la mise d’un poids sur le thorax».

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