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Financement des partis: un sujet tabou en Suisse

«La Suisse refuse de discuter du financement des partis politiques». Keystone

Un plafonnement des dépenses électorales et plus de transparence dans le financement des partis suisses sont nécessaires pour prévenir la corruption. Ce sont les conclusions d´une thèse universitaire. Mais la classe politique se montre frileuse.

«La Suisse refuse de discuter du financement des partis politiques», regrette Tiziano Balmelli, dont la thèse de doctorat est sur le point d’être publiée. Une affirmation confirmée par le directeur de la Justice tessinoise, Giorgio Battaglioni: la Suisse est une des seules nations démocratiques à ne pas avoir édicté de normes sur la corruption politique.

Cette corruption reste certes limitée. Alors que des scandales de financements occultes secouent d’autres pays. Selon Tiziano Balmelli, cette situation s’explique par le fait que les dépenses électorales helvétiques restent modestes et, du même coup, les besoins financiers des partis aussi.

Mais la Suisse ne doit pas pour autant se reposer sur ses lauriers! «Il faudrait agir de façon préventive», avertit Tiziano Balmelli. Pour cela, le juriste propose trois mesures.

Tout d’abord, les partis devraient publier leurs comptes. Cette transparence permettrait aux citoyens de savoir quels groupes d’intérêts ont financé les campagnes, et donc de décider en connaissance de cause.

Deuxièmement, les dépenses électorales devraient être limitées, grâce à des plafonnements cantonaux. Pour prévenir les abus, les sanctions devraient être véritablement dissuasives.

Finalement, nos autorités ne devraient pas s’engager dans un financement public des partis. Selon le juriste, une telle intervention n’entraîne en effet qu’une course à la dépense électorale. Une surenchère qui entraîne au contraire la corruption.

«Mes thèses sont parfaites pour être refusées par les politiciens, plaisante Tiziano Balmelli. Au niveau fédéral, lorsque la classe politique aborde ce sujet, ce n’est que pour demander un financement public. Mais quand il s’agit d’augmenter la transparence ou de limiter les dépenses, il n’y a plus personne…»

Les partis gouvernementaux ne partagent en effet pas les positions de cet universitaire. Si les socialistes demandent la transparence des comptes, ils estiment impossible de plafonner leurs dépenses et souhaitent une plus grande participation publique.

La droite, elle, se montre réticente à dévoiler ses comptes. En octobre 2000, la majorité bourgeoise du Conseil national a ainsi rejeté une motion écologiste exigeant la publicité du financement des partis politiques.

«Nous dépendons de sponsors privés qui ne veulent pas être dévoilés», explique chez les Radicaux Guido Schommer. Ce politicien estime donc cette mesure possible qu’en cas de financement public.

Seule l’Union démocratique du Centre se dit clairement opposée à un financement public. «Les indemnisations des groupes parlementaires viennent d’être augmentées, et c’est bien assez, voire même trop», commente Irène Schenberg.

Alors, rien ne bouge en Suisse? Pas tout à fait… Les cantons de Genève et du Tessin ont pris le taureau par les cornes. Et viennent de légiférer sur la question. Avec plus ou moins de succès.

La législation tessinoise exige depuis octobre 1998 que les partis dévoilent les dons importants. Pour le moment, ils n’ont rien communiqué. «Il faut dire que les budgets de nos formations ne sont pas très importants», précise le chef de la Justice, Giorgio Battaglioni.

Genève a également effectué un premier pas. Entrée en vigueur en septembre 1999, la loi oblige les partis et groupes à présenter les comptes des élections.

«Les premiers résultats sont mitigés, regrette Patrick Ascheri, directeur du service cantonal des votations et des élections. Nous n’avons pas de moyens suffisants pour effectuer des contrôles et les sanctions ne sont pas suffisamment dissuasives.»

Du coup, le Grand Conseil a décidé de revoir sa copie. Le nouveau projet va dans le sens d’un plafonnement des dépenses. Une mesure que le Tessin a également tenté d’introduire. Mais cet article avait été annulé par le Tribunal fédéral.

Caroline Zuercher

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