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L’Union européenne veut revisiter le bilatéralisme

Keystone

Fonctionnement des relations avec la Confédération, fiscalité cantonale et de l'épargne, droit de la concurrence: les dossiers chauds refont surface entre l'UE et la Suisse, dont la ministre de l'économie Doris Leuthard est à Bruxelles jeudi.

Les ennuis recommencent pour Berne. Alors que la présidence française de l’Union européenne (UE) ne veut plus façonner des accords bilatéraux sur mesure pour la Suisse, trois dossiers ultrasensibles vont refaire surface dans les jours à venir. D’abord, aujourd’hui, celui des échanges d’informations sur des affaires de concurrence. Ensuite, le 23 septembre, celui de la fiscalité cantonale. Enfin, avant la fin du mois, celui de la fiscalité de l’épargne,.

La traditionnelle trêve estivale est terminée. Réuni pour la première fois depuis juillet, le «groupe AELE» de l’Union Européenne (diplomates des Vingt-Sept), en charge des relations avec la Suisse, a repris mardi dernier le taureau par les cornes.

Les Vingt-Sept ont exprimé de nombreuses «réserves d’examen» sur une proposition de la Commission européenne visant à autoriser l’ouverture de négociations avec Berne dans le domaine de la santé publique et de la sécurité alimentaire.

Le parallélisme érigé en dogme

L’adoption de ce mandat était «prématurée», souligne-t-on, mais tout indique quand même que l’Union Europèenne a décidé de resserrer les boulons helvétiques.

Le projet de mandat, dont nous avons pris connaissance, fait clairement référence à la doctrine communautaire du parallélisme – pas question de ne conclure que des accords favorables à Berne. La Commission européenne, lit-on, «recommande que les discussions en cours avec la Suisse et les accords existants dans d’autres domaines soient pris en considération».

Le projet insiste également sur la nécessité, pour la Suisse, de s’aligner sur la législation communautaire: l’accord «introduira les mêmes obligations pour la Suisse d’appliquer la législation européenne que pour les Etats membres de l’UE».

S’adapter à l’acquis communautaire

La France, qui préside actuellement l’UE, veut aller plus loin encore. Mardi dernier, elle a ainsi proposé d’intégrer dans chaque nouvel accord sectoriel conclu avec la Suisse un «mécanisme plus performant» de reprise, par Berne, des développements de la législation communautaire. La Suisse devrait donc s’adapter en permanence aux décisions prises à Bruxelles, alors que de nombreux accords actuels sont statiques.

Cette remise en question du fonctionnement du bilatéralisme intervient alors que plusieurs échéances délicates se profilent à l’horizon.

Le Temps le relevait avant-hier: à l’occasion de la visite qu’effectue jeudi la conseillère fédérale Doris Leuthard à la Commission européenne, Bruxelles va insister afin que la Suisse renforce sa coopération avec elle dans le domaine, très sensible, de la concurrence.

La commissaire européenne à la concurrence, Neelie Kroes, avait déjà manifesté ce souhait dans une lettre qu’elle a envoyée à Berne le 27 mai. Pour Bruxelles, qui considère la Suisse comme le paradis des cartels qu’il combat avec acharnement, il s’agit d’améliorer les échanges d’informations avec la Commission de la concurrence (ComCo). «C’est un dossier très, très délicat», note un spécialiste. Ce n’est pas le seul, tant s’en faut.

Fiscalité cantonale en discussion

Aujourd’hui, la Commission remettra également sur le tapis la question des mesures d’accompagnement suisses de l’accord sur la libre circulation des personnes, qu’elle juge excessives. Surtout, à sa demande expresse, une «discussion» informelle sur le problème des avantages fiscaux dont les cantons font bénéficier certains holdings aura lieu le 23 septembre, à Bruxelles.

Il ne s’agira pas de négocier quoi que ce soit, précise-t-on à Berne, mais d’informer Bruxelles de l’état des travaux sur le renforcement de la compétitivité suisse – et, partant, une éventuelle réforme de l’imposition des entreprises – qu’a entamé, au printemps, un groupe d’experts.

D’aucuns s’attendent à connaître une période houleuse. Le rapport, prédit-on en effet, ne répondra pas à toutes les attentes de Bruxelles, qui souhaite le démantèlement des régimes fiscaux incriminés.

Berne s’emploiera malgré tout à convaincre l’Union européenne qu’il ne s’agit que du début d’un processus de longue haleine.

Mais la Commission et les Vingt-Sept pays de l’UE accepteront-ils de temporiser, alors que semble s’éloigner le spectre d’un référendum négatif sur la libre circulation des personnes, en 2009, et qu’ils pourraient essuyer une autre rebuffade helvétique, dans le domaine de la fiscalité de l’épargne cette fois-ci?

Le secret bancaire sur la sellette

Suite au scandale des fondations liechtensteinoises qui ont permis à des centaines de riches contribuables européens de dissimuler leurs avoirs au fisc, les Vingt-Sept pays de l’UE sont convenus de réviser la législation européenne sur la fiscalité de l’épargne et, partant, les accords que l’UE a conclus dans domaine avec plusieurs pays tiers, dont la Suisse.

La Commission, qui leur soumettra un rapport à la fin de septembre, ne devrait pas leur proposer de remettre en cause l’existence du secret bancaire dans certains pays, mais peut-être l’affaire du Liechtenstein et le scandale qu’a provoqué UBS aux Etats-Unis inciteront-ils la France et l’Allemagne à la rembarrer. Paris et Berlin provoqueraient alors une nouvelle guerre de tranchées, au sein de l’UE et avec la Suisse, qui refuse catégoriquement d’aborder ce thème avant 2013.

Le moment venu, Berne ne devrait en revanche pas s’opposer par principe à un toilettage de son accord avec l’Union. Mais le diable, c’est bien connu, est dans les détails. On sait par exemple que Bruxelles est déterminée à inclure les personnes morales – trusts, fondations, etc. – dans le champ d’application de la législation européenne.

swissinfo, Tanguy Verhoosel à Bruxelles

La Suisse entretient des relations avec l’Europe sous forme bilatérale.

Les Accords bilatéraux I (1999) portent essentiellement sur l’ouverture réciproque des marchés.

Ils concernent sept domaines: libre circulation des personnes, obstacles techniques au commerce, marchés publics, agriculture, transport aériens et terrestres, participation de la Suisse aux programmes de recherche de l’UE.

Les Accords bilatéraux II (2004) couvrent de nouveaux intérêts économiques et étendent la coopération à d’autres domaines politiques (sécurité intérieure, asile, environnement ou culture).

Ils touchent les dossiers suivants: Schengen/Dublin, fiscalité de l’épargne, produits agricoles transformés, accord MEDIA, environnement, statistique, lutte contre la fraude, pensions, éducation et formation professionnelle.

En septembre 2005, la Commission européenne a critiqué par lettre la politique fiscale des cantons de Zoug et de Schwyz.

Selon l’Union européenne, les avantages fiscaux accordés par certains cantons à des sociétés étrangères basées en Suisse violent l’accord bilatéral de libre-échange conclu en 1972.

La Suisse estime pour sa part que ces privilèges n’ont rien à voir avec l’accord de 1972. Elle argue aussi du fait que ces avantages fiscaux sont de la seule compétence des cantons.

Vis-à-vis de Bruxelles, la position helvétique peut se résumer ainsi : «Discuter, oui, négocier, non».

En Suisse, il n’y a pas de comptes anonymes. La banque doit connaître l’identité du titulaire du compte.

Mais cette information est protégée par le secret bancaire. Elle ne peut pas être divulguée.

Exceptionnellement, le secret bancaire peut toutefois tomber sur ordre d’une autorité judiciaire, lorsqu’on soupçonne une activité criminelle (ce qui ne comprend pas l’évasion fiscale).

En Europe, l’Autriche et le Luxembourg appliquent un secret bancaire similaire à celui de la Suisse.

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