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La justice genevoise ferme les yeux sur l’affaire Bhutto

Benazir Bhutto et son mari Asif Ali Zardari, alias Mister 10%. Keystone Archive

En 1998, un ancien directeur de la Société générale de surveillance (SGS) et un directeur de la Cotecna, une filiale de la SGS, sont inculpés pour participation à des actes de blanchiment en faveur du clan Bhutto au Pakistan. Bernard Bertossa, procureur général de Genève, a décidé de fermer les yeux.

Est-il acceptable de verser 4 millions de dollars de commissions pour obtenir un juteux contrat à l’étranger ? Assurément non. Malgré tout, Bernard Bertossa a décidé de ne pas sévir contre les deux responsables de la SGS qui auraient versé des commissions à des dignitaires pakistanais. Motif: les deux hommes n’en ont pas tiré un profit personnel.

Cette affaire a incontestablement ébranlé la SGS, dont la réputation est largement fondée sur une éthique au-dessus de tout soupçon. Elle a aussi contribué à pousser Elisabeth Salina Amorini, son ancienne présidente, vers la sortie.

Surnommé «Mister 10%»

Qu’en est-il exactement? En 1992, la SGS, numéro un mondial de l’inspection, gagne un appel d’offres afin de vérifier les importations du Pakistan. En 20 mois, les recettes douanières de ce pays augmentent de 14%, soit plus de 650 millions de dollars.

Seulement voilà, en novembre 1997, la République islamique du Pakistan adresse une demande d’entraide à Genève afin de bloquer les comptes de la famille Bhutto dans la Confédération. Benazir, et surtout son mari, Asif Ali Zardari, surnommé «Mister 10%», sont soupçonnés d’avoir octroyé des marchés publics contre des pots-de-vin.

Dans un document interne, la SGS confirme qu’elle «s’était engagée à verser une commission importante à un avocat genevois en contrepartie de services destinés à finaliser la mise en œuvre de ce contrat». Tout en affirmant «ne s’être livrée à aucun acte pénalement répréhensible», la multinationale genevoise décide de nommer un nouveau responsable à la tête de la division des contrats gouvernementaux.

La justice genevoise a mis la main sur les clauses de contrats, le détail des comptes, les pourcentages promis. Il ne fait aucun doute que le clan Bhutto, alors au pouvoir au Pakistan, a empoché 4 millions de dollars. Il y a bien blanchiment, mais les deux dirigeants de la SGS n’ont pas tenté de s’enrichir personnellement. D’où la mansuétude de Bernard Bertossa.

En clair, sans dessous-de-table, la SGS n’aurait jamais pu obtenir ce contrat avec le Pakistan. Malgré tout, le magistrat le plus médiatique de Suisse ne souhaite absolument pas favoriser ce genre de pratiques.

S’il classe les poursuites, c’est aussi en raison des bonnes résolutions de la Société générale de surveillance. Depuis l’affaire pakistanaise, elle n’aurait plus répondu aux sirènes des corrupteurs. Conséquence logique, ses contrats gouvernementaux n’ont cessé depuis de diminuer.

Ian Hamel

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