La Suisse veut bannir les balles «dum-dum»
Après les ONG, c'est au gouvernement suisse de proposer une réglementation des bombes à fragmentation et un renforcement de l'interdiction des balles de type «dum-dum». Pour la Confédération, ces armes sont incompatibles avec le droit humanitaire.
Toute cette semaine s’est tenue à Genève la deuxième session préparatoire de la Conférence qui, en décembre prochain, devrait réexaminer la convention de 1980, traité qui interdit ou limite l’usage de certaines armes dites conventionnelles.
Cette convention est unique dans le sens où – comme l’explique l’ambassadeur Christian Faessler, chef de la délégation suisse – «elle garantit le respect à la fois des principes humanitaires et du droit à la guerre». Comme la Suisse est dépositaire des Conventions de Genève, elle revendique dans ce domaine une «responsabilité particulière».
Le processus de révision de la convention n’en est encore qu’au stade préliminaire, celui où chaque pays qui le désire soumet ses propositions. C’est dans ce cadre militaro-diplomatique que la Suisse lance une double initiative concernant des armes qui ont des conséquences jugées incompatibles avec le droit humanitaire.
C’est le cas, tout d’abord, des balles à effet dum-dum. La balle dum-dum est interdite depuis plus d’un siècle. Mais il existe toujours des munitions qui s’inspirent de son principe: elles prennent de l’expansion dès lors qu’elles pénètrent dans un milieu plus dense que l’air et causent donc d’énormes blessures à l’intérieur du corps, blessures en tout cas sans proportion avec le but recherché, à savoir la mise de l’adversaire hors combat.
Les progrès technologiques et scientifiques en matière d’armement font qu’il n’est pas du tout illusoire de penser qu’un jour ou l’autre apparaissent de nouvelles munitions provoquant «subrepticement» des effets dum-dum indésirables, c’est-à-dire des souffrances inutiles et sans justification militaire.
Des experts suisses en «balistique terminale» ont réussi à mettre au point une méthode scientifique et objective pour mesurer le potentiel destructif d’une arme. La Suisse met donc sur la table un projet de protocole réglementant le recours à une telle méthode, ce qui permettrait de dire si une nouvelle arme est compatible ou non avec le droit humanitaire.
La seconde proposition suisse porte sur les sous-munitions explosives, autrement dit les bombes à fragmentations que les bombardements de l’OTAN au Kosovo et la guerre de Tchétchénie ont, si l’on ose dire, remises au goût militaire du jour.
Au début de la semaine, plusieurs ONG avaient annoncé qu’elles allaient faire campagne pour que les armées cessent d’utiliser ces munitions dont chacun s’accorde à dire qu’elles provoquent des dommages comparables aux mines antipersonnel.
La multitude de petits explosifs contenus dans ces bombes à fragmentation causent d’énormes dégâts humains et matériels. Mais, en plus, le pourcentage de ceux qui ne sautent pas est relativement élevé. Au Kosovo, on l’a estimé à environ 30%.
Le problème de ces sous-munitions non explosées peut trouver, selon la délégation suisse, des solutions techniques tout à fait fiables et réalisables, et même souhaitables d’un point de vue militaire puisqu’elles offrent également une protection supplémentaire aux soldats engagés sur le terrain comme aux civils et aux secouristes.
La Suisse ne demande le moratoire réclamé par les ONG. Elle propose cependant – ce qu’elle fait déjà elle-même – une obligation pour les combattants de garantir un taux de fiabilité des détonateurs d’au moins 98% et de s’engager à détruire dans un délai de 20 ans toute munition qui ne correspondrait pas à ce critère.
«Il faut être réaliste, déclare l’ambassadeur Faessler: si l’on veut qu’une majorité d’États s’engagent dans un contrôle de ce genre, on ne peut pas proposer des mesures radicales».
On n’a pas oublié cependant que, il n’y a pas si longtemps et sous la pression des ONG, bon nombre de gouvernements se sont finalement ralliés au principe d’interdiction des mines antipersonnel alors qu’au départ la quasi totalité d’entre eux le jugeait plutôt irréaliste.
Bernard Weissbrodt
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