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Les USA remettent en cause les Conventions de Genève

En toile de fonds du débat: les conditions de détention, à Guantanamo, des prisonniers capturés en Afghanistan. Keystone

Un diplomate américain déclare que les Conventions de Genève sont dépassées. A Berne, on répond qu'elles représentent un strict minimum.

Pour la première fois, à notre connaissance, un diplomate américain de haut-rang vient de prendre publiquement position pour une révision des Conventions de Genève qu’il juge «périmées». Cela dans une interview parue vendredi dans le quotidien anglais The Independent.

Ancien procureur au Tribunal pénal international pour le Rwanda, Pierre-Richard Prosper, d’ascendance haïtienne, est depuis l’an dernier ambassadeur spécial des États-Unis pour les questions concernant les crimes de guerre.

Répondre aux critiques

En toile de fond de ses propos et de son séjour à Londres, on voit bien la préoccupation du Secrétariat d’État américain. A savoir: répondre aux critiques sur le statut et les conditions de détention des combattants capturés en Afghanistan et incarcérés sur la base de Guantanamo.

Se référant explicitement au terrorisme international, Pierre-Richard Prosper constate que «ce nouveau type de guerre n’était pas envisagé à l’époque des négociations et de la signature des Conventions de Genève». La situation a changé, dit-il. «Nous faisons face aujourd’hui à des organisations qui mènent leurs opérations sans aucun égard aux lois et coutumes de la guerre.»

Les prémisses étant ainsi posées, la conclusion logique du diplomate est qu’il faudrait donc «examiner tous les documents internationaux pour voir s’ils sont compatibles avec le présent de l’histoire». Étant entendu que cet examen devrait être reconduit à nouveau dans 20 ou 50 ans.

«La zone grise du droit»

Le mois dernier, notre confrère Le Temps s’était fait l’écho de propos assez semblables – mais privés – d’une autre juriste américaine, Ruth Wedgwood. «Le droit international, disait-elle, est basé sur l’idée de réciprocité. Dans le cas des membres d’Al-Qaida, cette règle d’or ne s’applique évidemment pas.»

Dans la même page, Paul Grossrieder, qui quittera bientôt son poste de Directeur général du CICR, reconnaissait lui aussi qu’avec Al-Qaida, on entre dans «une zone grise du droit international humanitaire» et que «le droit devra s’ajuster à cette évolution de la nature de la guerre».

«Le strict minimum indérogeable»

La Suisse, du fait qu’elle est l’État dépositaire de ces Conventions de Genève, est bien évidemment concernée par ce débat. A Berne, on n’a guère envie de parler ni d’entendre parler de révision. On préfère le mot évolution.

Ces Conventions n’ont pas été rédigées comme l’expression d’un idéal, explique Muriel Berset-Kohen, porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères: «c’était un compromis pragmatique, elles représentaient un strict minimum auquel on ne peut pas déroger».

Mais, dit-elle encore, «le droit humanitaire est un droit évolutif, on peut le renforcer si c’est nécessaire». A preuve: en 1977, deux protocoles additionnels sont venus compléter les 4 Conventions de 1949, de manière à prendre en compte les guerres d’indépendance et les conflits internes.

Les attentats du 11 septembre 2001, la guerre-éclair en Afghanistan et les événements qui s’y rattachent sont-ils à classer dans une sorte de no man’s land du droit humanitaire? Muriel Berset-Kohen se veut catégorique: «non, pas de zone grise, la 3e Convention de Genève est tout à fait applicable».

Bernard Weissbrodt

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