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Servette: la fin d’une longue agonie

Après 115 ans d'histoire, le Servette FC est en faillite. Keystone Archive

Après la faillite du club-phare de Romandie, l’heure est aux interrogations. Joueurs et supporters encaissent le choc.

Ce gâchis résulte aussi des errances du football suisse, qui prône une professionnalisation exagérée mais sans avoir les moyens financiers des grands voisins.

Le football d’élite avait perdu droit de cité depuis quelques années déjà au bout du lac. Luttes de pouvoir, ambitions démesurées et querelles de personnes avaient placé au second plan l’aspect sportif à Genève.

Désormais, le mal est fait, irréversible, sauf très improbable percée d’un recours juridique en lequel plus personne ne croit. Après 115 ans d’histoire, le Servette FC est en faillite. Il devra tenter de renaître de ses cendres en première ligue dès l’été prochain.

Dans la foulée de la décision du Tribunal de première instance de Genève, prononçant vendredi dernier la faillite du seul club helvétique n’ayant, jusque-là, jamais connu les affres de la relégation, les espoirs ont laissé la place aux interrogations et aux règlements de compte.

Marc Roger le fossoyeur

Comment en est-on arrivé à pareil gâchis à Servette, quelques mois après ceux constatés en 2002 au Lausanne-Sports et au FC Lugano, qui, eux, avaient juridiquement cessé d’exister pour retrouver vie sous une autre entité juridique (FC Lausanne Sport (sans «s») et AC Lugano)?

Quel que soit le lourd passé du Servette FC, Marc Roger restera dans l’histoire comme le dernier patron du club grenat, mais aussi comme son principal fossoyeur. En moins d’une année, l’ex-agent de joueurs français (qui l’est resté dans son mode de fonctionnement) a réussi le tour de force d’enfoncer encore plus le navire.

«Bien sûr que la situation n’était pas éblouissante à son arrivée, constate le gardien Sébastien Roth. Mais il n’a cessé de provoquer une succession de dégâts plus incontrôlables les uns que les autres. Il s’est moqué de tout le monde. Alors il n’est peut-être pas le seul responsable, mais il est au sommet de la liste. Son comportement fut écœurant.»

La chronique sportive, politique et judiciaire a eu tout loisir de relater les faux-pas et les fanfaronnades de Marc Roger, qui avait promis la lune avec la pérennité du club, un travail sur le long terme, le succès sportif, des garanties financières et l’exploitation efficace du Stade de Genève.

Résultat: l’enfer

Le résultat: l’enfer, avec des crises sportives permanentes, des conflits en cascade avec la Fondation du Stade de Genève (à qui la Société d’exploitation devait rendre des comptes), aucun soutien politique, puis lâchage populaire, des dettes estimées à 13 millions de francs et, bien sûr, faillite.

Mais résumer la fin du Servette FC (en tout cas de son entité professionnelle) aux seuls faux-pas de Marc Roger serait un brin réducteur. Comme le rappelle, notamment, l’ancien président Christian Lüscher (2002-2004), «Marc Roger était le seul candidat à la reprise du club en février 2004».

A quelques jours près, la faillite aurait déjà été prononcée en ce temps-là. La descente au purgatoire avait en fait été amorcée en 2002, date du désengagement définitif de Canal Plus. Mais la chaîne cryptée française (sous l’ère de laquelle furent fêtés les derniers succès avec le titre national en 1999 et la Coupe de Suisse en 2001) avait, déjà, sauvé de la banqueroute Servette en 1997. Eternel feuilleton!

La fin d’une affaire rentable

Dix-sept fois champion suisse, club-phare de Romandie, équipe la plus renommée hors de nos frontières avec Grasshopper, Servette avait cessé d’être une affaire rentable.Seuls des investisseurs français, évoluant dans un registre différent, avaient évité la catastrophe depuis 1991.

Avec d’abord le mécène alsacien Paul-Annik Weiller, qui a fait vivre les «grenat» jusqu’en 1997. Puis Canal Plus, jusqu’en 2001. Les passages du Français Michel Coencas (éphémère président pendant huit mois), du triumvirat genevois Christian Lüscher, Alain Rolland et Olivier Carrard et enfin de Marc Roger ont ensuite activé le processus de liquidation.

«Le Servette FC était malade depuis bien longtemps», résume Claude Haegi, ancien conseiller d’Etat genevois qui avait été à l’origine d’une mobilisation politique pour sauver Servette en 1991.

«Le football ne suscitait plus d’intérêt majeur à Genève», poursuit-il. Les faibles manifestations de colère de la population, le timide soutien des supporters ces derniers mois ne font qu’accréditer cette thèse.

Les errances du football suisse

Dernier morceau du puzzle, qui pèse de tout son poids: la mauvaise voie dans laquelle s’est engagé le football suisse. La politique élitaire, réduisant la LNA (aujourd’hui la Super League) à dix clubs est plus que jamais au cœur des débats.

Elle pousse vers la professionnalisation à outrance en voulant copier les voisins français ou allemand, sans en avoir les ressources financières nécessaires. La chute du Lausanne-Sports, du FC Sion, et aujourd’hui de Servette, tout comme la politique de rigueur extrême engagée par Grasshopper (budget réduit de moitié) n’en sont quelques exemples douloureux.

swissinfo, Jonathan Hirsch

Le 4 février, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé la faillite de la Société anonyme du Servette FC et de la Société d’exploitation du Stade de Genève.
Après 115 ans d’histoire, le club est en faillite et des dettes estimées à 13 millions de francs.
La débâcle a commencé en 2002, lors du désengagement de Canal Plus.
En février 2004, le français Marc Roger était le seul candidat à la reprise du club, à quelques jours de sa mise en faillite.

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